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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/281

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LA MORT DES OTAGES. 259

servir comme simple soldat ; il répond que ça lui est indifférent, et d’emblée on le proclame capitaine. Cette farce tourna subitement au sinistre. Le malheureux sortit ; dès qu’il reparut sur le boulevard Voltaire, on lui cria qu’il était un Versaillais. Des marins l’enlevèrent sur leurs épaules et le promenèrent sur la place, pendant que des femmes essayaient de le frapper à coups de ciseaux. On le poussa enfin dans un terrain vague où s’ouvre aujourd’hui la rue de Rochebrune et on le fusilla. C’était le comte de Beaufort ; on est surpris de sa qualité et on se demande ce qu’il faisait dans cette galère. Delescluze le regarda mourir, et cependant il avait tenté de le sauver ; vainement il avait demandé un délai de deux heures pour interroger le prétendu coupable, vainement il essaya d’émouvoir quelques sentiments humains dans la tourbe qui l’entourait, Beaufort fut assassiné, car plus d’un des meurtriers avaient intérêt à se débarrasser de lui[1]. En étudiant de près cette histoire, on découvrirait peut-être qu’elle eut une amourette pour début, et qu’une vengeance particulière intervint au dénouement.

Delescluze, délégué à la guerre, Ferré, délégué à la sûreté générale, s’étaient donc établis à la mairie du xie arrondissement. Des membres du Comité de salut public et de la Commune les assistaient. Ces hommes sentaient que tout était fini ; ils n’avaient rien su faire de leur victoire, ils ne voulaient consentir à accepter leur défaite et rêvaient de disparaître dans quelque épouvantable écroulement. Ce fut alors sans doute que le massacre des otages fut résolu. Delescluze se mêla-t-il à cette odieuse délibération ? On ne le sait ; c’était un sectaire très capable de commettre un crime

  1. Pour l’intervention inutile de Delescluze, voir procès Guinder et Denivelle : déb. contr. ; 6e conseil de guerre ; 19 juin 1872.