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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/292

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LA GRANDE-ROQUETTE.

tard pût parler à la justice. D’après la place où les corps ont été retrouvés, on sait que les otages furent disposés dans l’ordre hiérarchique qui avait présidé à leur classement en cellules. On les rangea contre le mur faisant face au peloton d’exécution, Mgr Darboy le premier, puis le président Bonjean, l’abbé Deguerry, le père Ducoudray, le père Clerc, tous deux de la Compagnie de Jésus, et enfin l’abbé Allard, l’aumônier des ambulances, qui, pendant le siège et lors des premiers combats de la Commune, avait sauvé tant de blessés. Le peloton s’était arrêté à trente pas de ces six hommes debout et résignés. Ce fut Genton qui commanda le feu. On entendit deux feux de peloton successifs et quelques coups de fusil isolés. Il était alors huit heures moins un quart du soir[1].

Dans ce multiple assassinat, Genton, président de la cour martiale, représentait la justice de la Commune ; Benjamin Sicard représentait la sûreté générale, c’est-à-dire la police telle que Théophile Ferré la pratiquait ; Vérig représentait l’armée de la guerre civile ; Mégy, acteur volontaire, représentait la haine sociale dans le but qu’elle poursuit.

On a dit que chacun des hommes qui avaient fait partie du peloton d’exécution reçut une gratification de cinquante francs ; le fait est possible et nous ne l’infirmons pas, quoique nous n’en ayons trouvé aucune preuve. Il est dans la tradition terroriste : aux massacres des prisons en septembre 1792, « les travailleurs »,

  1. On a lieu de croire que c’est un fédéré du 244e bataillon, surnommé les Turcos de Bergeret et commandé par Victor Bénot, qui aurait tiré le premier sur l’archevêque. Au moment où Mgr Darboy levait la main pour bénir ses assassins, ce fédéré, tailleur de son état et nommé Joseph Lolive, aurait lâché son coup de fusil, en disant : « Tiens, voilà notre bénédiction. » (Procès Lolive ; débats contradictoires, 6e conseil de guerre ; 25 mai 1872.)