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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/295

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LA MORT DES OTAGES.

leur section, ouvrir des cellules et parler à voix basse. Heureusement il n’était plus question d’assassinat ; il ne s’agissait que de vol. Vérig, qui ne laissait jamais passer une bonne occasion, un greffier de la Petite-Roquette, un deuxième greffier du dépôt des condamnés et le brigadier Ramain, éclairés par un surveillant, venaient s’assurer si l’héritage des victimes méritait d’être recueilli. Dans la cellule de l’abbé Allard et dans celle du père Ducoudray, on ne fut point content ; on ne trouvait que « des soutanes de jésuites », et cela ne paraissait pas suffisant. Dans la cellule de Mgr Darboy, on fut plus satisfait ; l’anneau pastoral les avait mis en gaîté ; on en discutait la matière et la valeur ; ils faillirent même se prendre aux cheveux, car ils ne parvenaient pas à s’entendre sur la nature de l’améthyste : les ignorants prétendaient que c’était un diamant, les savants soutenaient que c’était une émeraude. On fit un paquet de ces pauvres défroques et on les porta dans l’appartement du directeur, que tant d’émotions, accompagnées de trop de verres de vin, avaient un peu fatigué et qui s’était mis au lit de bonne heure.

Pendant que l’on dévalisait les cellules, les cadavres, étendus au pied du mur de ronde, se raidissaient dans la mare de sang dont ils étaient baignés. Vérig, le brigadier Ramain, un greffier des Jeunes-Détenus nommé Rohé et quatre ou cinq autres nécrophores munis de lanternes, vinrent à deux heures du matin s’accroupir auprès des corps mutilés. On y allait sans ménagement, et l’on déchirait tout vêtement dont les boutonnières ne cédaient pas au premier effort. Un d’eux se passa la croix pastorale autour du cou, ce qui fit rire les camarades ; un autre, voulant arracher les boucles d’argent qui ornaient les souliers de l’archevêque, se blessa la main contre un ardillon ; il se releva, frappa