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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/313

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LA MORT DE DELESCLUZE.

soleil se couchait. Pour la dernière fois, dit M. Lissagaray, cette face austère, encadrée dans sa barbe blanche, nous apparut tournée vers la mort. Il venait de tomber foudroyé sur la place du Château-d’Eau. » — « Le feu des Versaillais redoubla d’intensité. Delescluze put faire quelques pas encore sur la place du Château-d’Eau, écrit Fr. Jourde[1]. Devant nous, le soleil disparut, se voilant dans des nuages d’or et de pourpre. Quelque chose comme un déchirement immense, lugubre, se fit entendre. Delescluze venait de tomber foudroyé. » — Ce sont là des amplifications de rhétorique qui n’ont rien à faire avec la réalité. Delescluze n’est point tombé sur la place du Château-d’Eau, au delà de la barricade qui fermait l’entrée du boulevard Voltaire ; il est tombé en deçà, sur le boulevard même.

L’autre version est simplement absurde. M. Washburne, ministre plénipotentiaire des États-Unis d’Amérique, mû par un sentiment d’humanité, aurait, dans la soirée du 24 mai, fait une démarche auprès des autorités allemandes afin que celles-ci obtinssent du gouvernement légal un armistice en faveur des insurgés. Le 25, il se serait rendu à la mairie du xie arrondissement, aurait fait accepter ce projet à Delescluze, aurait vainement tenté de sortir de Paris avec lui dans la matinée, serait revenu le soir vers cinq heures et aurait, pour ainsi dire, assisté à sa mort. Un des historiens de la Commune, M. Lissagaray, adopte cette fable en la modifiant légèrement ; ce n’est plus M. Washburne, mais simplement un de ses secrétaires. Ces allégations sont ridicules. Nous sommes formellement autorisé à déclarer que tout le personnel de la légation des États-Unis, — ministre, secrétaires, employés, — s’est strictement tenu à l’écart pendant ces jours douloureux, que

  1. Souvenirs d’un membre de la Commune, p. 82.