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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/321

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LA MORT DE DELESCLUZE.

d’eau-de-vie pour la ration de trente-cinq hommes ; — l’ordre de détruire les maisons d’où l’on aurait tiré sur les fédérés et d’en fusiller tous les habitants ; — une lettre de la citoyenne Verdure, déléguée à l’orphelinat de la rue Oberkampf, relative à un fait de galanterie vénale. Le soupçon, l’ivrognerie, la cruauté, la débauche, n'est-ce pas là en effet le fond même de l’insurrection qui succombait ? Pendant que Delescluze mourait, Vermorel, en aidant à ramasser un insurgé frappé d’une balle, recevait une blessure dont il ne devait pas guérir. Lui et Delescluze représentaient les deux partis extrêmes de la Commune, les deux adversaires futurs qui se seraient disputé le pouvoir ; l’un était un socialiste ardent, haïssant les jacobins ; l’autre était jacobin, méprisant les socialistes ; la lutte fût devenue vive entre eux, et il est probable que c’est Vermorel — un rêveur — qui eût succombé[1].

Lorsque la mort de Delescluze fut connue à la mairie du xie arrondissement, on proposa le commandement en chef à Wrobleski, le Polonais, qui avait très solidement combattu contre le deuxième corps d’armée ; il le refusa, par le motif fort sérieux qu’il n’y avait plus assez d’hommes en armes pour résister aux troupes françaises. La délégation à la guerre fut alors abandonnée plutôt que confiée au colonel Hippolyte Parent, du Comité central, qui était bien digne d’aider la Commune à pousser son dernier râle ; car la veille, 24 mai, et le matin même, il avait fait fusiller huit fédérés qu’il accusait d’être en relation avec Versailles. Ses états de service en faisaient du reste un homme précieux pour les cas désespérés. C’était un ouvrier chapelier auquel la justice avait accordé quelques loisirs, dont il avait sans doute profité pour étudier la science sociale et l’art militaire. Le 10 novembre 1859, le tribunal de

  1. Voir Pièces justificatives, no  11.