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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/329

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LA JUSTICE DU PEUPLE.

tous deux entraînèrent le soldat, le poussèrent vers la salle des bains de l’infirmerie, en lui recommandant de rester immobile et de ne pas se montrer ; celui-là du moins fut sauvé.

Le peloton d’escorte ouvrit ses rangs pour recevoir d’abord les gendarmes, ensuite les laïques, puis les prêtres. Émile Gois monta à cheval, et l’on partit. Pour des hommes résolus, l’escorte eût été dérisoire ; mais, nous le répétons, tout ressort était brisé chez ces pauvres soldats, brisé par les mauvais traitements dont ils avaient été accablés à Montmartre, brisé par la longue captivité qui avait suivi leur défaite ; il ne leur restait plus que l’habitude de la bonne tenue et le courage de bien mourir. Quant aux prêtres, ils appartenaient à une religion dont le Dieu a dit à son premier apôtre : « Remets le glaive au fourreau ; » ils ne songeaient point à lutter et priaient à voix basse.

Les femmes, les vieillards, les très rares hommes que la Commune n’avait point poussés à la bataille, tous les gens du quartier, en un mot, étaient sortis devant les portes, regardaient défiler ce cortège et ne cachaient point la commisération qu’ils éprouvaient. Dans le haut de la rue de la Roquette, lorsque l’on allait franchir la place où s’élevait jadis la barrière d’Aulnay, une femme cria : « Sauvez-vous donc ! » Il est certain que toute maison se serait ouverte pour les recevoir. Mais aucun des otages ne parut avoir l’idée de se dérober. Geanty marchait en tête, les épaules bien effacées, comme à la parade. On tourna à gauche et on s’engagea sur le boulevard de Ménilmontant dont on suivit le côté droit en longeant le mur qui borde le Père-Lachaise ; tout le monde était sympathique à ceux qui passaient. À l’espèce de demi-lune que le boulevard forme devant la rue Oberkampf, on fit halte. Là se dressait une haute barricade, occupée par des fédérés du