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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/343

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LA RÉVOLTE DES OTAGES.

formé aux ordres du directeur François ; les autres étaient ouvertes et permettaient ainsi aux détenus de se promener dans les couloirs. Une forte grille fermait les sections à chaque extrémité et interdisait toute communication entre elles. En dehors des cellules, la deuxième et la troisième section comprennent une vaste chambre appelée le lit de camp, qui peut au besoin servir de dortoir à une trentaine de condamnés. On pénètre dans ces divisions cellulaires par un large escalier ayant son point de départ non loin des bureaux du greffe, ou par l’escalier de secours, escalier en colimaçon qui prend naissance dans le premier chemin de ronde. Le rez-de-chaussée des bâtiments de l’est et de l’ouest est attribué aux détenus criminels, qui y font métier de cordonniers, de menuisiers, de serruriers et de forgerons. Lorsque ces détenus sont en récréation dans la cour, la porte des ateliers est close et les outils sont déposés sur les établis.

On connaissait à la Grande-Roquette le sort des gendarmes et des autres otages qui avaient été extraits la veille sous prétexte d’être conduits à Belleville. La promesse de leur distribuer des vivres et de les mettre en liberté les avait menés à la fosse de la rue Haxo. Les sergents de ville, tassés dans la seconde section, étaient farouches. Ces vieux soldats, ces victorieux de Crimée et d’Italie, s’indignaient à l’idée d’être tués sans pouvoir se défendre. Leur irritation, doublée par l’angoisse, exaspérée par la faim, car le pain manquait depuis la veille, surexcitée par l’horreur que le forfait commis leur inspirait, leur irritation était au comble. Un sentiment de révolte les réveillait enfin ; ils comprenaient que nulle soumission ne les protégerait, qu’ils n’étaient plus qu’un bétail humain réservé à l’égorgement, et que si une seule, une faible chance de salut leur restait encore, ils ne la trouveraient que dans un acte de