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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/385

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PIÈCES JUSTIFICATIVES.


NUMÉRO 6.


Le Mont-Valérien après le 18 mars.

Marais, 23 avril 1880.

Vous me demandez, monsieur, de faire appel à mes souvenirs pour retracer le rôle qu’a rempli le lieutenant-colonel de Lochner, mon père, au Mont-Valérien, pendant la Commune, en 1871. Je vais tâcher de vous satisfaire en vous envoyant sur ce sujet quelques détails absolument certains, qui me sont fournis par ses lettres et par le registre Journal militaire qu’il tint dans ces jours néfastes.

En sa qualité de commandant de place, il avait dû, selon les conditions de l’armistice, remettre la forteresse aux mains des Prussiens. Il y rentra le 7 mars, avec un bataillon du 113e de ligne, et y reçut le lendemain les deux bataillons de chasseurs, 21e et 23e, cités par vous à propos de l’assassinat du malheureux Vincenzini. L’esprit de ces bataillons était tel, qu’il manquait le premier jour à l’appel 286 hommes au 21e bataillon, et 315 au 23e.

Il fallait réorganiser les services avec cette garnison, et, pour premier soin, approprier le fort. Voici ce qu’écrivait le colonel de Lochner à ce sujet :

« Les chasseurs sont sans armes, et partant très désœuvrés, tous faubouriens de Paris, et très disposés à achever l’œuvre de destruction si bien réussie par les Prussiens. Vous ne vous figurez pas l’état de saleté et de dégradation dans lequel ils ont laissé mon pauvre fort…. Les ouvriers manquent pour les réparations, et l’on ne consentira pas à faire des dépenses en ce moment malheureux. Tout cela me cause une tristesse inexprimable. Cette dévastation, ces ruines, sont l’image de notre pays tout entier, et je n’ai plus, pour faire diversion aux cruelles pensées que ce dissolvant tableau suggère, la vie si active que je menais pendant la guerre. » (Lettre du 8 mars 1871).

Ce n’était cependant pas l’occupation qui devait lui manquer. Il vit bien vite ce qu’il pressentait, le mauvais vouloir des chasseurs :

« J’ai 3000 chasseurs à pied recrutés dans Paris, actuellement sans armes, qui font le diable, et qui pilleraient comme de véritables insurgés si l’on ne faisait bonne garde. » (Lettre du 10 mars 1871).

« On cherche par tous les moyens possibles à employer les loisirs