Aller au contenu

Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
361
PIÈCES JUSTIFICATIVES.

Le lieutenant-colonel commandant le fort passe la nuit au poste de la porte d’entrée, placé littéralement entre deux feux : les chasseurs rebelles qui grondent sourdement n’attendant qu’une occasion pour se révolter, et la menace de ce qui peut venir du côté de Paris.

« Le 23e part à 6 heures ; le 21e à 9 heures. Le fort n’est plus gardé que par le poste d’entrée. À ce moment se présente un sergent-major de la garde nationale, annonçant que le Comité de défense a ordonné l’envoi au Mont-Valérien de deux bataillons des Ternes et des Batignolles, et qu’ils devaient arriver dans la journée. » (Journal militaire.)

Le colonel accueille froidement ce message. — À 9 heures 1/2 une troupe lui est signalée. Il la voit venir avec une inexprimable anxiété. Est-ce la perte ? Est-ce le salut ? — Il cherche avec sa lorgnette à reconnaître à travers le brouillard quelque signe distinctif, lorsqu’une voix s’écrie joyeusement à ses côtés. « Pantalons rouges, mon colonel !…. »

C’était un premier bataillon du 119e ; son attitude était résolue, la situation était sauvée. Le reste du régiment arriva peu après, puis de l’artillerie, du génie, quelques chasseurs à cheval et pour quatre jours de vivres. — Vers 8 heures du soir, on annonça, au poste de l’avancée, une députation d’officiers de la garde nationale, parmi lesquels, paraît-il, était le citoyen Lullier. — Le commandant du fort et le colonel Cholleton, commandant le 119e, les reçurent au poste d’entrée, afin d’empêcher toute inspection ou tout contact avec la garnison, qui était alors de 1800 hommes.

« Ces messieurs, dit le Journal militaire, déclarent qu’ils appartiennent à deux bataillons, l’un de la garde nationale des Ternes, l’autre de celle des Batignolles, qu’ils précèdent leurs bataillons, arrêtés à environ 1000 mètres du fort et qu’ils viennent communiquer au commandant l’ordre qu’ils ont reçu du comité de défense de venir occuper le fort. Le lieutenant-colonel, commandant la place, leur répond qu’il n’a reçu aucun ordre à leur sujet, qu’il ne reconnaît pas le comité de défense dont lui parlent les délégués ; qu’il ne recevra d’ordres que de ses chefs directs ; et, quant à la garde du fort, au sujet de laquelle les gardes nationaux paraissent être soucieux, ils peuvent se tranquilliser : le Mont-Valérien est à l’abri de toute attaque, de quelque côté qu’elle vienne. — Les envoyés se sont retirés en donnant à entendre que la manière dont ils avaient été accueillis mécontenterait beaucoup. — En effet, en prêtant attentivement l’oreille, il a été possible d’entendre après leur départ, à travers l’obscurité, quelques rumeurs venant de la direction qu’ils avaient suivie. »

Cette tentative infructueuse fut la seule que firent les communards pour occuper le Mont-Valérien. Malgré leur échec, et l’on ne sait pourquoi, ils croyaient encore à la complicité de la forteresse,