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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/98

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LE DÉPÔT.

Commune de Paris ; c’était affirmer que la Commune entière revendiquait la responsabilité de cet acte, mais c’était aussi se rappeler que les collectivités ont plus de chances que les individualités de demeurer irresponsables. C’est dans ce document que le mot otage est prononcé officiellement pour la première fois ; tous les individus qui furent arrêtés comme tels l’ont été en vertu de mandats invariablement signés par Th. Ferré ou par Raoul Rigault. Celui-ci les appelait ses « détenus personnels » et ne tolérait pas que l’on parlât de les mettre en liberté.

Il n’en était pas tout à fait ainsi pour les individus arrêtés sur l’ordre du délégué à la justice, qui se nommait Eugène Protot, et dont les comparses de la magistrature improvisée par la Commune ne paraissent pas avoir toujours respecté les décisions. Plus d’un genre d’accommodement fut possible avec les agents inférieurs de ce gouvernement peu scrupuleux. On avait installé quelques juges d’instruction au Palais de Justice, acteurs d’arrière-plan dans la tragédie que l’on jouait, pris on ne sait où et ignorant tout de la jurisprudence, jusqu’à son nom. Parmi ces gaillards, qui auraient dû étudier le code d’instruction criminelle pour leur propre compte, il en est un qui ne fut point bête. C’était un gros garçon d’une trentaine d’années, à face débonnaire, sceptique en toute chose, se souciant médiocrement de la Commune et de Versailles, ne trouvant dans cette aventure que l’occasion de passer quelques bons moments, point farouche, encore moins cruel, et ne dédaignant pas de rendre quelquefois service. Il n’était pas insensible aux sollicitations des jolies femmes et avait découvert que la loi, dans certains cas, autorise les magistrats à mettre, sous caution, les prévenus en liberté provisoire.

Ce fut une révélation féconde pour ce pauvre diable,