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Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 1.djvu/102

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parte ; un général ; un avocat ; un cordonnier ; un prince étranger ? Au nom de qui rendra-t-on la justice, de quelle effigie frappera-t-on la monnaie ? Monarchie constitutionnelle ; monarchie sans contrôle ; empire autoritaire ; empire libéral ; république parlementaire ; république jacobine ; république sociale ; présidence ; stathoudérat ; commune : tout est possible, chez une nation où rien ne dure, où l’idole de la veille est la victime du lendemain, où le Capitole se retourne de lui-même pour devenir les Gémonies, où le passé n’a point d’enseignement, où l’avenir n’inspire point de prévision. Les peuples étrangers au milieu desquels j’ai vécu regardent avec curiosité du côté de la France et attendent qu’elle se disloque, pour reculer leurs frontières et agrandir leur territoire. En 1792, ils avaient bien cru que l’heure du partage avait sonné ; mal leur en advint ; mais de tels miracles peuvent-ils se renouveler souvent et ne serait-il pas sage de ne se point exposer aux convoitises ennemies ?

Ô France ! ô cher pays que j’ai tant aimé ! Puisse Dieu, qui jadis te protégeait, te protéger encore ! Puisse-t-il faire naître en toi le respect de la légalité, sans lequel nulle sécurité intérieure n’est possible ; puisse-t-il te donner l’amour de la paix, sans lequel nulle prospérité ne subsiste ! Puisse-t-il calmer tes emportements nerveux, qui, si fréquemment, se sont manifestés par des convulsions redoutables ; puisse-t-il t’accorder la sérénité d’âme qui te permettra de développer tes aptitudes, de vivre dans des destinées prospères et de charmer le monde par ta grâce ! Puisse-t-il t’épargner les révoltes, les révolutions, les coups de force, comme celui que je vais raconter.