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Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 1.djvu/183

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nuel n’ignoraient point ces menées, auxquelles le prince ne se prêtait ni ne se refusait.

En outre, le gouvernement provisoire hongrois, composé de Kossuth, de Klapka et de Ladislas Téléki, près duquel l’Empereur avait accrédité un ambassadeur qui était le vieux Piétri[1], rêvait d’arracher la couronne de saint Étienne à la maison d’Autriche et de la poser sur la tête du prince Napoléon. Celui-ci était donc, par le seul fait de sa naissance, attiré dans des combinaisons qu’il n’avait point fait naître, dont il se réservait sans doute de profiter si l’occurrence lui semblait opportune, mais qui ne pouvaient que déplaire à l’empereur des Français et au roi de Piémont, parce que leurs projets politiques s’en trouvaient contrecarrés. Dès lors et de là, nulle bienveillance pour lui, ni près des souverains, ni près des ministres, ni près des états-majors italien et français. Il avait beau expédier dépêches sur dépêches, pour dire : « Je suis inutile en Toscane » ; on lui répondait : « Restez-y ; on vous appellera si votre présence est nécessaire. »

Après Magenta, après l’entrée des Français à Milan, lorsque l’armée s’avança pour rejeter les Autrichiens au-delà du Mincio, le prince Napoléon s’irrita de l’immobilité dans laquelle on le maintenait ; il voulut en sortir, se rapprocher du champ des opérations militaires, et il envoya à l’Empereur le colonel de Susleau de Malroy, chef d’état-major de la division d’Hautemare. C’est Susleau de Malroy — mon proche parent — qui m’a raconté les détails de l’audience que l’Empereur lui accorda. Aux sollicitations du prince pour être autorisé à rejoindre la véritable armée et à conduire le cinquième corps au feu, l’Empereur, appuyé par le maréchal Vaillant, major général, répondit par un refus obstiné : « La mission du corps commandé par le prince est d’être en observation devant Mantoue, d’y maintenir les troupes autrichiennes et de les empêcher de faire une diversion sur notre droite. »

Le colonel de Malroy répondit : « Mantoue a été reconnue par le général d’Hautemare, que son habileté comme éclaireur a fait surnommer Chouaffa — l’espion — par les Arabes, la citadelle est dégarnie : il y reste seulement seize cents Hongrois, avec lesquels on est déjà entré en pourparlers secrets ; la liberté des mouvements de votre droite est assurée ;

  1. C’est-à-dire Pierre-Marie Piétri. (Voir page 89, n. 1.)