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Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 1.djvu/279

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volume de ses Mémoires d’un ancien ministre, a prononcé une parole qui sera le jugement de l’histoire : « La maladresse dont ceux que Napoléon III avait choisis ont fait preuve, en présence des provocations de la Prusse, peut être considérée comme un exemple de la plus complète incapacité diplomatique dont on ait souvenance. »

On se rappelle sans doute avec quelle rapidité les incidents se succédèrent, mal compris et surtout mal interprétés. Le roi de Prusse était à Ems ; Benedetti, notre ambassadeur, y était également. Sur les observations qui furent transmises à Guillaume, Léopold de Hohenzollern déclina toute prétention au trône d’Espagne ; son père le prince Antoine, dont Paris s’est tant diverti, retira l’autorisation qu’il avait accordée. De son côté, le gouvernement espagnol, mal assis, agité par des factions hostiles, fort peu soucieux d’entrer en conflit avec la France, renonça au souverain qu’il avait choisi. C’était une satisfaction complète ; l’honneur — puisque l’honneur était en jeu — n’avait plus rien à réclamer ; on eût dû être content et remettre au rancart les canons, les discours, les chants patriotiques et tout le tralala dont on s’était volontairement assourdi. Il n’en fut rien, on exigea du roi de Prusse la promesse écrite que jamais il n’autoriserait un prince de sa maison à régner au-delà des Pyrénées ; c’était trop, c’était injurieux ; le roi Guillaume répondit que la renonciation de Léopold, approuvée par le père de celui-ci, était une garantie suffisante de ses intentions pacifiques et que, pour sa part, il n’avait aucun engagement à prendre. Cette réponse fut considérée comme un refus de tenir compte des réclamations de la France et la guerre fut déclarée.

Par Émile Ollivier, par Maurice Richard, par Piétri, par Conti, chef du cabinet de Napoléon III, j’ai su, dès mon retour à Paris, ce qui s’était passé et je le puis raconter. Je crois bien que c’est à la date du 12 juillet qu’il faut rapporter cet incident grave entre tous, mais cependant je ne le certifie pas[1]. On avait reçu la dépêche de Benedetti

  1. La veille de ce jour, le soir, au palais de Saint-Cloud, l’Empereur se montra fort gai et dit, en riant, aux généraux Reille et de Bercheim : « Vous pouvez défaire vos malles, nous ne partons pas. » Le duc de Gramont et Jérôme David arrivèrent bientôt, à quelque distance l’un de l’autre ; ils causèrent à part avec Napoléon III ; l’Impératrice se joignit au groupe et parla avec animation. Lorsque l’entretien prit fin, on remarqua que l’Empereur était troublé et on l’entendit qui disait : « Je ne suis pas de votre avis, la renonciation