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Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/212

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tistes, les Jacobins, les flibustiers et les niais se disputaient le pouvoir dans les départements et dans les communes, pendant que Gambetta se prenait aux cheveux avec Crémieux et Glais-Bizoin, dont il se moquait, pendant que nos généraux, s’épuisant d’efforts, voyaient leurs dispositions contrecarrées, nos pauvres soldats, surmenés, harassés, haussaient leur cœur et faisaient inutilement face à l’ennemi. Au courant du mois de novembre, on avait tâté l’Allemand sur bien des points, partout on l’avait trouvé en nombre supérieur, se déplaçant comme une forteresse mouvante, à laquelle on ne parvenait pas à faire brèche.

Dans l’Orléanais, il avait repris l’offensive, doublé par les renforts qui lui étaient parvenus, à la fois vigoureux et prudent, manœuvrant de façon à couper l’armée de la Loire en deux tronçons. On ne s’épargna point à déjouer son projet ; peine perdue ; nos soldats, nos marins, tout surpris d’être réunis en compagnie de marche, pouvaient, comme le grenadier à Waterloo, dire en tombant : « Ah ! il y en a trop ! »

À la fin du mois de novembre, le général Trochu se décida à agir ; depuis la prise d’Orléans par d’Aurelle de Paladines, c’est-à-dire depuis vingt jours, il n’avait rien tenté pour essayer de percer les lignes d’investissement dans la direction que lui indiquaient les heureux combats de l’armée de la Loire. Faut-il donc un si long espace de temps pour aller d’Asnières à Vincennes ? L’ennemi avait mis ce délai à profit, et quand même nous aurions passé sur le corps des Saxons et des Wurtembergeois qui nous barraient la route, nous nous serions heurtés à l’armée du prince Frédéric-Charles, massée en avant de la forêt de Fontainebleau.

Pendant toute la durée de la guerre, la Prusse nous attaqua ou nous reçut avec deux et même trois corps d’armée échelonnés les uns derrière les autres et maintenus en contact à l’aide de la cavalerie.

À Champigny, après avoir traversé la Marne, nos troupes, auxquelles on avait mêlé quelques détachements de garde nationale, firent face à l’ennemi ; la bataille dura deux jours et fut meurtrière pour les Allemands comme pour nous. Des deux côtés, les artilleries étaient si nombreuses que toute poussée en avant ne pouvait provoquer qu’un massacre inutile. Les Allemands rentrèrent dans leurs lignes et nos soldats rentrèrent dans Paris, où la garde nationale,