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Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/227

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Bismarck, qui connaissait l’état des esprits à Paris et les menées révolutionnaires, proposa de faire désarmer la garde nationale. Jules Favre refusa avec indignation ; car à aucun prix il ne pouvait consentir à porter atteinte à l’honneur de l’héroïque population parisienne. Il en résulta la Commune. Lorsqu’il fut question de délimiter les terrains que les troupes devaient occuper, un singulier dialogue fut échangé entre les deux plénipotentiaires. Bismarck dit : « Et l’armée de l’Est, nous l’avons oubliée. » Jules Favre répondit : « Elle est intacte ; je n’ai donc pas à stipuler pour elle. — Comment intacte ? mais elle est perdue ». Jules Favre reprit : « Je dois l’ignorer, car nous n’avons aucune nouvelle officielle. — Alors, nous n’en parlons pas ? — Nous n’en parlons pas. »

Mystère bien simple et que Bismarck approfondit d’un coup d’œil. Bourbaki, ancien aide de camp de Napoléon III, commandant en chef de la garde impériale, ne serait-il pas tenté, avec ce qui lui restait de soldats, d’essayer de restaurer l’Empire ? danger peu probable, mais qui disparaissait si, laissé en dehors de l’armistice, il était écrasé par les forces décuples dont il était entouré. Si Jules Favre eût su qu’à cette heure Bourbaki, essayant de se brûler la cervelle, n’avait réussi qu’à se défigurer et poussait vers les refuges de la Suisse les débris de ce qui n’avait jamais été un corps d’armée, il se fût rassuré.

Le 28 janvier 1871, un armistice de trois semaines fut conclu. La paix n’était point signée, mais la guerre était finie.