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Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/52

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étaient réunies en demi-cercle devant Sedan. Les quatre corps d’armée étaient massés de façon à faire face à l’ennemi que l’on attendait, mais la rive gauche de la Meuse restait libre et permettait des approches qui nous furent cruelles. À cette heure décisive, Mac-Mahon avait-il un plan arrêté ? avait-il, en sa pensée, résolu la question de la retraite à laquelle il ne pouvait douter d’être réduit ; savait-il s’il prendrait sa route à l’Ouest, sur Mézières, à l’Est, vers Carignan, au Nord, pour se réfugier en Belgique ? J’en doute, et tous les généraux qui étaient présents à la bataille et que j’ai pu interroger en ont douté comme moi. Avait-il compté que Sedan était en état d’offrir un point de résistance capable d’arrêter les avalanches allemandes qui se précipitaient sur nous ? Je ne puis le croire.

Malgré son classement de ville fortifiée, Sedan n’était plus qu’une masure de guerre, un refuge propre à attirer une armée en déroute, où elle serait écrasée sans pouvoir en sortir. Les pièces de rempart n’avaient même pas leur approvisionnement réglementaire ; les magasins étaient vides, les murailles défectueuses n’auraient pu supporter deux heures de bombardement. C’est la lenteur de nos marches — on avait employé cinq jours à faire vingt-six lieues — qui nous avait acculés à cette impasse ; les Allemands y étaient arrivés sur nos pas ; nous ne pouvions plus éluder la bataille qu’ils nous offraient et que nous fûmes obligés de recevoir dans de déplorables conditions.

Le 31 août, avant la fin de la journée, nous avions été refoulés ; je me hâte de dire que nous combattions un contre trois ; les Allemands nous avaient chassés des hauteurs que nous occupions, ils étaient sur les bords de la cuvette ; nous étions rejetés dans le fond, sous le feu plongeant d’une artillerie formidable. Déjà des soldats surmenés avaient quitté leur régiment et se glissaient dans la ville. Le 1er septembre, vers cinq heures du matin, le combat reprit de plus belle et sembla porter tous ses efforts vers Bazeilles, où le douzième corps fut admirable ; il était commandé par le général Lebrun et comptait dans ses rangs la division de l’infanterie de marine qui, sous les ordres du général Vassoigne, fut héroïque. L’Empereur était au feu, et si fort en péril que, voulant épargner son état-major, où plus d’un officier était déjà tombé, il força son escorte à s’abriter derrière une muraille près de laquelle un bataillon de chasseurs à pied