Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/93

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lui fit défaut ; il en avait tari la source et ce n’est pas avec les gens dont il était entouré et peu estimé qu’il a pu en ouvrir une autre. Il en est résulté qu’au lieu de commander il a obéi, et qu’avant de prendre une décision il écoutait le bruit des foules.

Il a été le premier puni, je le reconnais, de sa duplicité ou de son inconséquence ; mais sa punition est retombée sur le pays, qui n’en est pas encore rédimé. Il n’a été entendu ni en France, ni même à Paris, faute d’être le porte-voix de la force qui réside dans les assemblées légales issues du choix des nations. Il ne parlait, il ne pouvait parler qu’en son propre nom, et c’est pourquoi il ne fut jamais écouté ; à peine daignait-on lui prêter l’oreille, lorsqu’il se faisait l’écho de la voix publique. Avec le Corps législatif groupé derrière lui et reconnaissant du salut que la représentation nationale lui aurait dû, tout lui devenait facile ; avec les scellés apposés sur les portes de la salle des séances, tout lui fut impossible : la paix qu’il n’osa pas faire, pour ne pas déplaire à la multitude ; la guerre qu’il ne put pousser à fond, parce que la multitude rechignait à se battre. Un double malheur nous frappa et rendit notre infortune digne de pitié : la médiocrité du commandement aux armées en campagne ; l’absence de caractère dans le chef auquel le salut de Paris fut confié. Depuis cette époque, j’ai souvent entendu dire : le général Trochu est le plus honnête homme qui soit au monde. Il m’importe peu : j’eusse baisé les pieds du forçat qui nous aurait sauvés.