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Page:Du Sommerard - Notices sur l’hôtel de Cluny et le palais des Thermes.djvu/108

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SALLE À MANGER.

clarette[1], coulant à grands flots dans les hanaps, sur la pimprenelle aromatisante[2], au récit des haultes ou galantes prouesses, les cris de liesse succéderont et viendront se confondre avec la ballade du troubadour, les sons aigus du rébec[3] et de la contre-viole, les accords du luth, le bruit du tympanon, la mélodie narcotique de la musette de Poitou, et les démonstrations du joculateur dans l’exercice des jeux de table[4]. Un nouveau donner à laver, les épices et les graces, suivies de salutations réciproques, viendront mettre un terme à ce banquet et aux joyeux esbattements

  1. Sorte d’hypocras, vin et miel, servi dans tous les festins.
  2. Ces infusions sont désignées dans les ouvrages du temps, sous le nom de vinum herbatum. Leur effet explique ici l’infraction à la devise chevaleresque férir hault et parler bas.
  3. Cet instrument, espèce de violon à trois cordes, figure souvent entre les mains des chérubins, dans les portails de nos vieilles églises.
  4. Chez les Romains, les jeux de table étaient ou des jeux d’argent, dont souvent l’invitant faisait tous les frais, en donnant, comme Tibère, au dire de Suétone, 250 deniers à chacun de ses convives, pour jouer à pair et à non, aux dés ou à tel autre jeu qu’ils voudraient pendant souper ; ou des loteries, comme celle qu’inventa Héliogabale, qui distribuait à ses conviés des billets gagnant soit dix éléphants, soit dix mouches.

    Dans le moyen âge, ces jeux de table n’étaient que de simples amusements auxquels servaient les ustensiles même du service, tels que le gobelet d’argent à deux fins (statuete, costume dit Médicis), dont on remplit en même temps les deux parties qu’il faut vider rubis sur l’ongle, sans répandre une goutte. Telles sont encore les diverses pièces de poterie à jour, desquelles le liquide s’écoule par des tubes cachés dans les interstices, et autres combinaisons variées à l’infini, qui tenaient en haleine le génie inventif des potiers et des orfèvres.