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Page:Du Sommerard - Notices sur l’hôtel de Cluny et le palais des Thermes.djvu/122

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NOTES.

cette passion du jour avec une prodigieuse activité. Sillonnant la France d’un pied léger et dans ses localités les plus retirées, à l’aide de la trompette ou du tambour communal, ils demandent aux échos, qui seuls souvent leur répondent, des vieilleries, n’en fut-il plus au monde ; et les bons paysans d’accourir, munis d’objets ou d’indications propres à les satisfaire.

Tel modeste ménage, réduit à se contenter du bahu d’Anne de Bretagne ou de la crédence de François Ier, et séchant d’envie de parvenir, comme le voisin, à la commode d’acajou, va trouver, dans une offre qui l’étonne, mais qui ajoute encore à ses prétentions, le moyen de satisfaire, et au-delà, son ambitieux désir.

Choix fait, marché conclu, ces pannats[1] sont dirigés avec ménagements, vu leur caducité, vers la capitale, pour y recevoir, comme tout ce qu’elle absorbe, la rectification des formes, le poli de l’aspect et le vernis de la civilisation. Couverts, à l’arrivée, de crasses séculaires, souvent même d’enduits plus rebutants encore, recueillis par les bahus dans le séjour des étables, ils les dépouillent bientôt pour briller d’un éclat tout mondain. Au contraste de ces deux aspects, on dirait des sabots et des équipages de nos parvenus : avec cette différence qu’ici ce sont des déchus bien plus aptes à revêtir leur ancienne splendeur, pour figurer dignement dans les collections, dans les châteaux, et jusque dans les boudoirs de nos petites-maîtresses. Jusques à quand ? Voilà la question qui reste entière.


  1. Terme technique, mais tant soit peu dénigrant, appliqué aux vieux meubles dans leur état de vétusté.