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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/182

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honneurs de femme légitime. Mais pour ces seconds mariages, il y a peu de formalités à observer.

Pour ce qui est des veuves, quand elles ont des enfants, elles deviennent absolument maîtresses d’elles-mêmes, et leurs parents ne peuvent les contraindre ni à demeurer dans la viduité, ni à s’engager par un nouveau mariage. On saurait même mauvais gré, à une veuve, qui ayant des enfants, passerait sans grande nécessité à de secondes noces, surtout si c’est une femme de condition : quand elle n’aurait été mariée que quelques heures, ou même simplement arrêtée, elle se croit obligée de passer le reste de ses jours dans le veuvage, et de témoigner par là le respect qu’elle conserve pour la mémoire de son mari défunt, ou de celui avec qui elle était engagée.

Il n’en est pas de même des personnes d’une condition médiocre : les parents qui cherchent à se dédommager d’une partie de la somme qu’elle a coûté au premier mari, peuvent la remarier, si elle n’a point d’enfants mâles, et souvent la forcent à le faire ; il arrive même quelquefois que le mari est arrêté, et l’argent livré, sans qu’elle en ait la moindre connaissance. Si elle a une fille qui soit encore à la mamelle, elle entre dans le marché de la mère. Elle n’a qu’un moyen de se délivrer de cette oppression, c’est qu’elle ait de quoi subsister de la part de ses parents, qu’elle dédommage ceux du mari défunt, ou bien qu’elle se fasse bonzesse ; mais c’est un état si décrié, qu’elle ne peut guère l’embrasser, sans se déshonorer. Cette violence est plus rare parmi les Tartares.

Aussitôt qu’une pauvre veuve a été vendue de la sorte, on voit arriver une chaise à porteur, avec bon nombre de gens affidés, qui la transportent dans la maison de son nouveau mari. La loi qui défend de vendre une femme, avant que le temps de son deuil soit expiré, est quelquefois négligée, tant on se presse de s’en défaire. Néanmoins lorsqu’on se plaint de son infraction, on embarrasse le mandarin, pour peu qu’il ait usé de connivence.


Les mariages lient indissolublement les contractants.

Les mariages que les Chinois contractent avec les solennités prescrites, les lient indissolublement. Il y a des peines sévères décernées par les lois contre ceux qui prostitueraient leurs femmes, ou qui les vendraient secrètement à d’autres ; si une femme s’enfuyait de la maison de son mari, celui-ci peut la vendre, après qu’elle a subi le châtiment ordonné par la loi. Si le mari abandonnait sa maison et sa femme, après trois ans d’absence, elle peut présenter une requête aux mandarins, et leur exposer sa situation, lesquels, après avoir mûrement examiné toutes choses, peuvent lui donner la liberté de prendre un autre époux. Elle serait rigoureusement châtiée, si elle se mariait sans observer cette formalité.

Il se trouve néanmoins des cas particuliers, où un mari peut répudier sa femme, tels que sont l’adultère, qui est très rare par les précautions qui se prennent à l’égard du sexe ; l’antipathie, ou l’incompatibilité des humeurs, la jalousie, l’indiscrétion, la désobéissance portées aux plus grands excès, la stérilité, et les maladies contagieuses. Dans ces occasions la loi autorise le divorce ; mais c’est ce qui arrive très rarement parmi les gens de