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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/255

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dix li d’argent. Le bras de la balance chinoise ne pousse pas plus loin ses divisions.

Cependant quand il s’agit d’un poids d’or ou d’argent considérable, les divisions vont bien plus loin, et les Chinois les poussent jusqu’aux parties les plus imperceptibles ; c’est de quoi l’on ne peut pas donner l’idée en notre langue. Ils divisent le lien en dix hoa, le hoa en dix se, le se en dix fou, le fou en dix tchin, le tchin qui veut dire grain de poussière, en dix yai, le yai en dix miao, le miao en dix mo, le mo en dix tsiun, et le tsiun en dix sun.

Cela supposé, on ne peut point encore assurer quelle était la juste valeur des anciennes monnaies ; car bien que le poids y soit marqué, on en trouve qui valaient beaucoup plus que ne comportait le poids. Il y a eu un temps où la rareté des espèces obligeait les empereurs à taxer à un haut prix des pièces très légères, en sorte que le denier courant valait dix deniers semblables des temps antérieurs : c’est ce qui a souvent causé des émotions populaires, parce que les marchands haussaient à proportion le prix des marchandises.

Cette rareté d’espèces arrivait, ou par des irruptions subites des étrangers, qui chargeaient des barques entières de ces monnaies qu’ils emportaient avec eux ; ou par la précaution des peuples, qui dans des temps de guerre, avaient soin de les enfouir, et qui mouraient ensuite sans découvrir l’endroit où elles étaient cachées.

Il y eut un temps où le cuivre manqua de telle sorte, que l’empereur fit détruire près de 1.400 temples de Fo, et fit fondre toutes les idoles de cuivre pour en faire de la monnaie. D’autres fois il y eut de sévères défenses à tous les particuliers, de garder chez soi des vases ou d’autres ustensiles de cuivre, et on les obligeait de les livrer au lieu où l’on fabriquait la monnaie.

On porta les choses bien plus loin les premières années du règne de Hong vou, fondateur de la vingt-unième dynastie appelée Ming : la monnaie étant devenue très rare, on payait les mandarins et les soldats partie en argent, et partie en papier : on leur donnait une feuille de papier scellée du sceau impérial, qui était estimée mille deniers, et qui valait un tael d’argent[1]. Ces feuilles sont encore aujourd’hui fort recherchées de ceux qui bâtissent ; ils les suspendent par rareté à la maîtresse poutre de leur maison. Dans l’idée du peuple (et parmi les personnes de qualité combien de chinois sont peuples !) cette feuille préserve une maison de tout malheur.

Une pareille monnaie ne fit pas fortune. Les marchands ne pouvaient se résoudre à donner leurs marchandises et leurs denrées pour un morceau de papier. Les querelles, les procès, et beaucoup d’autres inconvénients qui arrivaient chaque jour, obligèrent l’empereur à la supprimer.

On l’avait employé avec aussi peu de succès sous la dynastie des Yuen : Marc Paul gentilhomme vénitien, qui en parle au 18e chapitre de son second livre, s’est trompé lorsqu’il a dit, que pour faire le papier qui était

  1. On peut voir la valeur du taël, ci-devant page 18.