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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/423

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nous admirons en vous. Tous vos soins ne tendent qu’à conserver la vie de vos sujets et vous répondez en cela parfaitement à leurs vœux : cela suffit ; vous n’avez pas besoin d’un juge criminel, pour faire garder les lois d’un si bon roi.

Faites, repartit l’empereur, que je sois tel que vous dites : apprenez-moi à suivre si bien vos leçons, que mon exemple soit comme un vent impétueux et doux, qui entraîne tous les cœurs ; en sorte que le véritable bonheur se répande dans toutes les parties de mon empire[1].

Lorsqu’un roi est solidement vertueux, dit Cao yao, il entre ainsi dans tous les bons conseils qu’on lui donne ; et il agit toujours de concert avec les sages ministres qu’il a su choisir.

Rien n’est si vrai, dit l’empereur : mais expliquez-vous un peu plus en détail.

Un bon roi, reprit Cao yao, n’a point de plus ardent désir, que d’avancer de plus en plus dans l’étude et dans la pratique de la sagesse : de manière qu’il ne met aucunes bornes à un si utile exercice. Par ce bel exemple il instruit d’abord toute sa famille royale : cela se communique ensuite à tout le peuple, et se répand enfin dans les royaumes les plus éloignés, tant il importe qu’un roi soit vertueux !

Yu applaudit et reçut avec respect des paroles pleines de sagesse.

Tout se réduit à deux points, poursuivit Cao yao : connaître bien les gens, et rendre le peuple heureux.

N’est-ce rien que cela ? interrompit Yu. Notre bon roi, quelque parfait qu’il soit, y trouverait de la difficulté. Connaître bien les gens, c’est pour n’errer jamais dans le choix qu’on fait de ceux dont on se sert. Rendre le peuple heureux, c’est le combler de bienfaits, et gagner entièrement son amour. Quand on a de si grandes qualités, quelle crainte peut donner un scélérat tel que Hoen teou ? Quelle peine y a-t-il à dompter un rebelle, comme Miao ? Et quel mal peut faire un hypocrite, et un flatteur tel que Cong kong ?

Ajoutez cependant, dit Cao yao, qu’il y a neuf vertus qu’il faut tâcher de bien connaître pour se les rendre familières. Il ne suffit pas de savoir en général, qu’un tel a une telle vertu ; il faut de plus savoir en quoi il a montré qu’il l’avait en effet. — Yu demanda quelles étaient ces neuf vertus ? 

Je veux, continua Cao yao, je veux[2] une grandeur qui ne soit ni fière,

  1. On a passé ici ce qui regarde l'élévation de Yu sur le trône ; mais on convient que le Chu king a souffert bien des changements ; qu'onen a perdu plus de la moitié ; et qu'on a cousu, comme on a pu, ce qui est échappé aux flammes et aux vers. On a donc cru plus naturel de mettre l'élévation de Yu, après qu'il aura dit lui-même comment il fit écouler les eaux.
  2. C'est dans des endroits comme celui-ci, qu'on sent la sublime brièveté du style de ces anciens livres. Dix huit lettres renferment clairement l'idée de ces neuf vertus, avec la qualité que chacune doit avoir, pour ne pas dégénérer en vice ; et cela, d'une manière si vive et si belle, que toutes nos langues ne peuvent y atteindre.