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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/425

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L’empereur dit hautement qu’on ne pouvait souhaiter rien de plus vrai, ni de plus juste, que tout ce qu’il venait d’entendre. C’est pourquoi Cao yao reprit la parole : Je sens bien, dit-il modestement, que mes lumières sont fort bornées ; mais il me semble aussi sentir que je n’ai point d’autre pensée, ni d’autre désir, que de vous aider de toutes mes forces à bien gouverner vos sujets.

Alors l’empereur revenant à Yu : Approchez-vous, lui-dit-il, et venez me donner aussi quelques sages conseils.

Que dirai-je, répondit Yu, et que peut-on ajouter aux discours de Cao yao ? Pour moi, je n’ai aussi qu’une chose à cœur : c’est de m’occuper constamment, sans me donner un moment de relâche. Comment cela se peut-il ? demanda Cao yao. Les eaux, reprit Yu, étaient, pour ainsi dire, arrivées jusqu’au Ciel, et elles s’élevaient au-dessus des plus hautes montagnes : les peuples périssaient ainsi misérablement. Au milieu de cet affreux déluge, monté sur quatre diverses[1] montures, je commençai par couper les bois, en suivant les chaînes des montagnes ; après quoi Pe y et moi, nous apprîmes aux hommes à manger de la chair : je fis de plus écouler les grands fleuves dans les quatre mers, et décharger les ruisseaux dans les fleuves ; après quoi Heou tsi et moi nous apprîmes aux hommes l’usage des grains, et l’art de cultiver la terre ; je leur fis ensuite connaître les avantages du commerce. Par ce moyen tous les peuples eurent de quoi vivre, et l’univers jouit de la paix.

Vous avez grande raison, interrompit Cao yao, de dire que vous ne vous donnez point de relâche mais continuez à parler sur un si beau sujet.

Tout dépend, poursuit Yu, du soin que le souverain prend de veiller sur sa personne. J’en conviens, dit l’empereur ; ne mettez donc votre bonheur que dans la vertu, dit Yu. Prenez garde aux moindres choses qui seraient capables de troubler un bonheur de ce prix, et surtout, n’ayez point auprès de vous de ministres, qui ne soient d’une droiture et d’une sincérité à l’épreuve. Alors, dès que vous commanderez, on obéira sur-le-champ avec joie, parce que vous ne commanderez rien que ce que le peuple désire avec le plus d’ardeur. C’est par là que vous vous verrez comblé des plus éclatantes faveurs du Chang ti[2], et que vous aurez la gloire d’exécuter ses volontés dans le nouvel ordre qu’il établira.

Voilà, dit l’empereur, un ministre qui m’aime : et moi j’aime un ministre

  1. Les Chinois tâchent de deviner quelles étaient ces montures. Le texte dit Sieë tsai ; la lettre Sieë veut dire enn effet quatre ; mais l'autre est fort difficile à bien expliquer ce qu'elle présente aux yeux, c'est un kin un char, tsai de douleurs et de souffrances ; on laisse à penser comment cela a pu servir à Yu, pour remédier à l'inondation.
  2. Ce n'est pas seulement les hommes, dit l'ancien commentaire Tching y, qui a par leur obéissance paient en quelque sorte ce bon roi, de toutes ses peines ; mais le chang ti le comble encore de ses faveurs, pour récompenser la vertu.