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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/483

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la seule chose qui le distingue des bêtes, et il propose pour modèles quelques-uns des anciens empereurs, qui suivaient en tout la droite raison.

Le prince Chun, dit-il, s’était fait une si douce habitude d’agir selon les lumières de la raison, que même sans y réfléchir, il ne s’en écartait jamais.

Le prince Yu était continuellement attentif à ne rien faire de contraire à la droite raison. Son échanson ayant servi un jour à sa table un vin exquis, il s’aperçut qu’il goûtait trop de plaisir à le boire. Je crains, dit-il, que les princes qui me succéderont ne se laissent amollir le cœur par une boisson si délicieuse. Il congédia aussitôt l’échanson, et renonça à l’usage du vin.

Le prince Tching tang veillait toujours sur lui-même, pour ne point donner dans l’une des deux extrémités si contraires à la vertu. Dans le choix de ses ministres il n’envisageait que leur vertu. Le villageois était préféré au noble ; l’étranger l’emportait sur ses proches, lorsqu’il leur reconnaissait plus de talent et de mérite.

Depuis que l’empereur Ping vang transféra le siège de l’empire en occident, on vit un affaiblissement sensible, dans toutes les parties de l’État : les sages maximes, et les belles actions des anciens empereurs tombèrent insensiblement dans l’oubli. C’est ce qui porta Confucius à écrire les annales des princes illustres du royaume de Lou sa patrie. Il en trouva la matière dans les annales des mandarins, préposés à écrire l’histoire de leur nation : mais il leur donna un nouveau jour par les réflexions qu’il y mêla, et par les ornements d’un style poli et châtié : et comme ce philosophe pensait et parlait toujours modestement de lui-même, il avait accoutumé de dire que ce qui se trouvait de bon dans son livre, n’était point de lui, et qu’il l’avait emprunté d’ailleurs ; que tout ce qu’on pouvait lui attribuer, était d’avoir donné à cette suite de faits un meilleur ordre, et les agréments de la diction.

Mencius donne ensuite des règles de tempérance, de libéralité, et de force, qu’il dit lui avoir été enseignées par les disciples de Confucius. Il veut surtout que dans l’exercice de ces vertus, on ne s’attache pas à la première vue qui se présente, mais qu’on réfléchisse mûrement, avant que de se déterminer à quelque action propre de ces vertus. Puis il ajoute que le moyen de s’attirer l’amitié et l’estime des hommes, c’est de pratiquer la piété et l’honnêteté, qui consiste à avoir des manières d’agir sincères, obligeantes, et civiles.

Si en remplissant ces deux devoirs, dit-il, je ne laisse pas d’être en butte au mépris et aux invectives d’un esprit dur et grossier, je commence par me sonder moi-même, et par examiner si je n’ai rien fait de contraire à ces vertus ; je redouble les témoignages d’amitié, de politesse, et de complaisance, pour tâcher de l’adoucir : mais si je vois que je ne gagne rien, s’il ne répond à mes caresses que par des paroles rudes et choquantes ; je me dis alors à moi-même : voilà un caractère d’homme bien intraitable, je n’y vois nul sentiment d’humanité, et il ne paraît différer en rien des bêtes