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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/518

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PARAGRAPHE II.
Exemples sur les cinq devoirs.


Le jeune Sie pao n’avait d’autre soin que de se rendre habile, et d’acquérir la vertu : son père qui avait passé à de secondes noces, le prit tellement en aversion qu’il le chassa de la maison. Le jeune homme qui ne pouvait se séparer de son père, pleurait nuit et jour, et y demeurait toujours. Le père en vint aux menaces et aux coups ; et le fils obligé de se retirer, se bâtit une petite hutte auprès de la maison paternelle, et allait tous les matins la nettoyer, et balayer les salles, comme il avait accoutumé de faire auparavant. Le père n’en fut que plus irrité ; et dans la colère où il était, il fit abattre la hutte, et éloigna tout à fait son fils de sa présence. Sie pao ne se rebuta point : il chercha un logement dans le voisinage, et matin et soir il venait se présenter à son père pour lui rendre les devoirs. Une année se passa ainsi, sans que les manières dures avec lesquelles on le recevait, pussent diminuer sa tendresse et sa piété. Enfin son père fit des réflexions sur l’injustice de sa haine ; et après avoir comparé la dureté de sa conduite avec le tendre amour que lui portait son fils, il se rendit aux sentiments naturels, et rappela son fils auprès de sa personne. Dans la suite Sie pao perdit ses parents ; après avoir satisfait au deuil triennal, les frères cadets lui proposèrent de partager l’héritage, il y consentit : mais quelle fut sa conduite ? Voilà, leur dit-il, un nombre de domestiques qui sont dans un âge décrépit, et hors d’état de servir ; je les connais depuis longtemps, et ils sont faits à mes manières ; pour vous, vous auriez de la peine à les gouverner ; ainsi ils demeureront avec moi. Voila des maisons à demi ruinées, et des terres stériles ; je les cultive depuis ma plus tendre jeunesse, ainsi je me les réserve. Il ne reste plus à partager que les meubles, je prends pour moi ces vases à demi brisés, et ces anciens meubles qui tombent en morceaux, je m’en suis toujours servi, et ils entreront dans mon lot. C’est ainsi que quoiqu’il fût l’aîné de la famille, il prit pour son partage tout ce qui était de rebut dans la maison paternelle. Bien plus, ses frères ayant bientôt dissipé tous leurs biens, il partagea encore avec eux ce qui lui restait.

Huen yu, qui s’est rendu si célèbre dans l’empire, rapporte que c’est aux sages conseils de sa mère, qu’il est redevable de toute la splendeur de sa maison. Un jour, dit-il, elle me prit en particulier, et me parla ainsi : Étant allée voir un de mes parents premier ministre, après les civilités ordinaires : Vous avez un fils, me dit-il, s’il parvient jamais à quelque dignité, et que vous entendiez dire qu’il est dans le besoin, et qu’à peine a-t-il de quoi subsister, tirez-en un bon augure pour la suite de sa vie. Si au contraire on vous dit qu’il a des richesses immenses, que son écurie est remplie des plus beaux chevaux, qu’il est magnifique dans ses habits ; regardez ce luxe et ces richesses, comme le présage certain de sa ruine prochaine. Je n’ai jamais oublié, ajouta-t-elle, une réflexion si sensée. Car comment se peut-il faire, que des personnes constituées en dignités, envoient tous les ans à leurs parents des sommes considérables et de riches présents ? Si c’est là un effet de leur épargne, et le superflu de leurs appointements, je n’ai