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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/618

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est toujours dangereux de remuer sans nécessité ; et que les avis de ces discoureurs n’étaient point des avis à suivre. Pour moi dans les conseils qu’on vous donne, voici tout ce que j’y vois ; ou flatteries, pour vous engager dans les entreprises réellement très périlleuses ; ou raisonnements frivoles fondés sur de nouvelles conjectures, pour vous porter à une sévérité outrée. Or y a-t-il rien de plus capable de gâter le prince le plus vertueux, que la flatterie ? Y a-t-il rien de plus propre à attirer la haine et les imprécations de ses sujets, que des expéditions aussi périlleuses que peu nécessaires ?

Pour ce qui est de ces raisonnements frivoles fondés sur de vaines conjectures, ils donnent visiblement atteinte à la vraie doctrine ; et la sévérité outrée qu’on veut par cette voie vous inspirer, est diamétralement opposée à la clémence et à la bonté : vertus dont se sont toujours piqués les plus grands princes. Autrefois Mou kong roi de Tsing, préféra l’avis de certain discoureur, aux sages conseils du vieux général Pe li lu. Il lui en coûta la ruine entière de son armée. Mou kong alors reconnut hautement sa faute, mais trop tard ; son armée était défaite. Croyez-moi, ce qui est le plus capable de rendre un prince fameux dans les siècles à venir, c’est son habileté à discerner ceux qui cherchent à lui imposer ; et son attention à ne pas donner aisément dans les avis de gens sans expérience et sans sagesse. V M. peut s’en convaincre, en lisant l’histoire : je l’y exhorte autant que je le puis ; et je la conjure surtout de ne point s’en tenir sans examen aux premiers conseils qu’on lui donne.


L’empereur Ngai ti avait un favori nommé Tong hien. Il le comblait d’honneurs et de biens : c’est ce qui faisait gémir tout le monde. Ouang kia fit sur cela une remontrance à l’empereur. Après y avoir exposé fort au long les faveurs de l’empereur à l’égard de Tong hien ; les richesses, l’orgueil, et le faste de ce favori ; il rapporte l’exemple de deux personnages que la faveur avait ainsi élevés sous d’autres règnes, et que leur fortune avait tellement aveuglés, qu’ils avaient enfin mis le trouble dans l’État, et s’étaient perdus eux-mêmes. Il conclut par presser l’empereur de bien peser ces deux exemples et d’autres des siècles passés, et de modérer ses bienfaits à l’égard de Tong hien, ne fut-ce que pour le bien même de ce favori, à qui des faveurs si outrées ne pouvaient manquer de nuire. L’histoire dit que cette remontrance ne plut point à Ngai ti, et qu’il n’en aima pas moins Tong hien ; que cependant, comme s’il avait eu quelque honte d’aller