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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/676

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étant rendus indignes par leur conduite, se sont vus attaqués de toutes parts. Pendant qu’ils fuyaient comme des cerfs, nombre de corbeaux s’assemblaient. Parut alors comme un aigle[1] ou comme un dragon volant l’illustre fondateur des Tang. Après qu’il eût rendu le calme à l’empire, il en fut reconnu le maître. Il convint avec tous les Grands, que les Li seuls pourraient être faits vang, et qu’on ne donnerait les autres titres[2] qu’à des gens qui les auraient mérité par leurs services. Il en donna à quelques-uns qui l’avaient déjà bien servi. L’accord fut confirmé par serment. On se tira même du sang pour cet effet. Si donc Votre Majesté est sur le trône, il n’en est pas moins le trône des Tang. La pie fait son nid, dit le Chi king ; l’oiseau kieou s’y place ensuite. Vous étiez née femme et sujette. Vous êtes devenue impératrice et maîtresse. Comment cela s’est-il fait ? Ce n’a point été sans doute, sans que de votre part vous ayez eu soin de répondre aux desseins de Tien, et de gagner le cœur des hommes. Il a été un temps que mécontente du prince héritier qui n’avait pas assez de maturité, vous pensiez à lui substituer son frère vang de Siang. Faisant ensuite réflexion que celui-ci était son cadet, et craignant avec raison de ruiner la maison royale, en y mettant le trouble et la division, vous vous êtes sagement accommodée aux vœux des peuples, vous avez rappelé le prince héritier. Ce prince est maintenant d’un âge mûr : il a de plus beaucoup de vertu, il est votre fils, vous êtes sa mère, et sans faire attention à tout cela, vous lui enviez la place dont il est digne, et vous retenez ce qui lui est dû.

On le dit, et il est vrai. Communément dans des provinces on suit le train de la cour. En tenant une conduite si peu équitable à l’égard du prince héritier, quel exemple donnez-vous à tout l’empire ? Comment espérer après cela d’y réformer les abus, d’y établir les bonnes mœurs, et surtout de faire régner dans les familles la tendresse et la piété ? De quel front oserez-vous désormais paraître à la sépulture du feu empereur et de ses ancêtres ? Vous avez régné jusqu’ici seule et tranquille, il est vrai. Mais ne savez-vous pas que les choses ne sont jamais plus près de leur décadence, que lorsqu’elles ont acquis leur perfection ? Ce qu’on verse dans un vase déjà plein, se répand par terre. Il est souvent si essentiel de prendre au plus tôt certain parti, que de différer c’est tout perdre. Pour moi, il me paraît que Tien et les hommes sont prêts à se déclarer en faveur des Li[3].

D’ailleurs pourquoi à l’âge où vous êtes (car l’eau qui est presque toute écoulée[4] frappera bientôt la cloche), pourquoi, dis-je, vous fatiguer encore nuit et jour ? Pourquoi ne vous pas décharger du gouvernement,

  1. Je traduis Fong et Long, le premier par aigle, le second par dragon ; c’est d’après d’autres missionnaires sans me faire garant de cette traduction.
  2.  De heou, de kong, etc.
  3. Nom de famille des princes de la dynastie Tang.
  4. Expression allégorique, pour lui dire qu’elle n’a plus guère de temps à vivre. On voit par là que les Chinois ont eu une espèce d’horloge d’eau.