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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/827

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qui traîne après soi toutes ces suites. La conçois-tu bien cette faute ? — Laissez-le aller, dit alors le prince, laissez-le aller, ne faisons point de brèche à ma bonté. Je lui pardonne.


Le même prince ayant un jour un peu bu, quitta son bonnet et la ceinture, se mit négligemment, et prenant un instrument de musique, il demanda à ceux qui étaient présents, si un homme vertueux pouvait se divertir de la sorte. Chacun répondit : oui sans doute, hé pourquoi non ? Puisque cela est ainsi, dit Kin kong, qu’on mette les chevaux à un char, et qu’on aille inviter Yen tse. Yen tse vint aussitôt qu’il fut averti, mais en habit de cérémonie à son ordinaire. Kin kong voyant Yen tse entrer : nous sommes ici, dit-il, à la négligence et nous nous divertissons. Je vous ai envoyé chercher pour vous divertir avec nous. Yen tse aussitôt répliqua : pardon, prince, je n’ai garde : je serais contre les rits. Or je crains infiniment de les enfreindre. On regarde comme une maxime assez certaine, qu’un empereur qui s’oublie en ce genre, ne peut conserver longtemps l’empire. Il faut dire le même à proportion des rois, de tous les princes, des grands officiers, des pères de famille ; jusque-là que le Chi king dit de l’homme en général, qu’il lui est plus avantageux de mourir jeune, que de vivre dans l’oubli des rits. Kin kong à ces mots rougit, se leva ; et remerciant Yen tse : je suis, lui dit-il, un homme sans vertu, je le reconnais ; mais aussi n’ai-je à ma suite que des canailles. Tous ces gens que vous voyez, ont bonne part à ma faute : je veux les faire mourir pour la réparer. Prince, reprit aussitôt Yen tse, la part qu’ils peuvent y avoir est, à mon sens, peu considérable. Quand un souverain a de l’attachement pour les rits, ceux qui en ont comme lui, l’approchent ; les autres, se retirent bientôt. Le contraire arrive aussi naturellement, quand le souverain s’oublie. Ne vous en prenez point à eux. Vous avez raison, dit Kin kong. Aussitôt il prend des vêtements convenables, boit trois coups avec Yen tse, et le reconduit.


Le roi de Ou s’étant déterminé à attaquer les États de King, déclara publiquement sa résolution. Il ajouta qu’elle était tellement prise, que quiconque lui ferait sur cela des remontrances, serait aussitôt puni de mort. Un officier de sa maison, nommé Chao y tse, persuadé du danger de cette expédition, cherchait un moyen de le faire concevoir au prince : mais comme il y allait de la vie à le faire ouvertement, il s’y prit d’une autre manière. Le matin il allait dans le parc avec son arc, il y souffrait les incommodités de la rosée ; et quand l’heure ordinaire était venue, il paraissait comme les autres devant le prince. Au troisième jour, le prince y fit attention, lui demanda d’où il venait ainsi tout mouillé. Prince, répondit-il, je viens du parc : il y avait sur un arbre une cigale perchée bien haut, qui après s’être rassasiée de rosée, chantait fort tranquillement. Un tang lang[1] était derrière, mais elle ne le voyait pas ; si elle l’avait aperçu, elle aurait bien changé de note. Je le voyais moi ce tang lang, qui

  1. Insecte qui mange les cigales.