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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/833

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le saisirent, et l’emmenèrent, et moi je pris patience, et les laissai faire. On sut cette histoire dans tout le hameau, et chacun dit, ô le benêt ! Voilà pourquoi ce lieu s’appelle la vallée du benêt vieillard. Tu l’es certainement, dit Hoen kong : pourquoi céder ainsi ton poulain ?

Le lendemain Hoen kong étant de retour, et Koan tchong étant venu à l’audience, il lui raconta cette aventure, comme pour s’en divertir avec lui. Mais Koan tchong d’un air sérieux et même un peu triste, prit la chose tout autrement. Croyez-moi, prince, dit-il, il n’y a point ici à rire ; le récit du villageois est une leçon pour vous et pour moi. Si Yao régnait ici, la raison et la justice y règneraient : on ne se ferait point un jeu d’enlever ainsi le bien d’autrui ; si ce vieillard a pris patience, et a laissé voler son poulain, sans s’en plaindre, comptez que ce n’est point par bêtise. Il faut qu’il sache qu’aux tribunaux on ne peut obtenir justice. Retirons-nous, prince, pour quelque temps, et pensons sérieusement à examiner jusqu’où va le mal, pour y remédier efficacement. Confucius trouvait beau ce trait de Koan tchong, et recommandait à ses disciples de ne le pas oublier.


Kang tse régnant dans la principauté de Lou, un père et son fils s’accusèrent mutuellement en justice. L’affaire étant allée jusqu’au prince, il prononça qu’il fallait faire mourir le fils. Confucius s’y opposa, disant qu’il n’était pas temps de punir ainsi les fautes avec la dernière rigueur. Ces pauvres gens, ajouta-t-il, sont depuis longtemps sans instruction, et par conséquent peu éclairés sur leurs devoirs. Ce fils n’a sans doute point conçu tout ce qu’il y a de mal à venir accuser son père. C’est au prince et à ceux qui le gouvernent, qu’il faut s’en prendre : s’ils faisaient bien leur devoir, et surtout s’ils étaient tous vertueux, on ne tomberait point dans de semblables fautes. Quoi donc, dit Kang tse pour appuyer son jugement, la piété filiale étant, de l’aveu de tout le monde, le point fondamental du gouvernement, arrêter par la mort d’un homme les désordres contraires à cette vertu, n’est-ce pas une chose permise, et même nécessaire ? Je dis, prince, répondit Confucius, que dans les circonstances présentes, il y aurait de la cruauté. Procurez à votre peuple l’instruction dont il a besoin. Ajoutez à cela le bon exemple. Vous punirez ensuite avec rigueur ; et ceux que vous punirez, sauront bien qu’ils le méritent. Cette muraille n’a qu’un gin[1] de haut : cependant dans tout votre royaume il ne se trouvera pas un seul homme, qui puisse tout à coup et sans échelle, monter dessus. Au contraire il n’y en a presque point qui ne puisse peu à peu arriver au sommet de cette montagne, cent fois plus haute que la muraille. Dans l’état où est votre peuple, la charité, la justice, ces deux vertus principales, et conséquemment les autres sont par rapport à lui comme une muraille escarpée. Est-il temps de faire un crime à quiconque n’y monte pas ? Donnez le temps aux peuples, dit le Chi king, et procurez-leur les moyens de reconnaître leur aveuglement, et leurs méchantes coutumes.


Le roi de Chang s’entretenant avec Confucius, lui dit : voici quels sont

  1. Nom de mesure.