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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/860

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conférences si avantageuses d’elles-mêmes, sont pour celui-là très inutiles. Faites-y de sérieuses attentions.

Un jour que Ouang yang ming passait par les halles avec quelques-uns de ses disciples. Deux crocheteurs je ne sais pourquoi, se querellaient l’un l’autre. Tu n’as ni raison, ni conscience, disait l’un. C’est toi qui en es entièrement dépourvu, répondait l’autre. Tu es un trompeur, disait le premier ; tu as le cœur plein d’artifices, reprenait le second ; c’est toi, disait l’autre, qui as banni du tien toute probité et toute droiture. Ouang yang ming s’adressant à ses disciples : Entendez-vous ces crocheteurs, leur dit-il : ils parlent philosophie. Quelle philosophie, reprit un disciple ? Je n’entends que crier et dire des injures. Quoi vous n’entendez pas, dit Ouang yang ming, que ce qu’ils répètent à chaque instant, sont ces paroles, raison, conscience, cœur, droiture ? Si ce n’est pas philosophie, qu’est-ce donc ? Philosophie, soit, dit le disciple : mais pourquoi tant crier en philosophant, et se dire ainsi des injures ? Pourquoi ? répondit Ouang yang ming. C’est que chacun de ces deux hommes ne voit que les défauts de son adversaire, et ne fait aucun retour sur les siens. O qu’il y a de gens qui leur ressemblent ?

Le grand mal de l’homme, dit Ouang yang ming, c’est l’orgueil. Un fils est-il orgueilleux ? Il manque au respect envers ses parents. Un sujet est-il orgueilleux ? Il cesse d’être bon sujet. Un père a-t-il ce défaut ? Il oublie la bonté naturelle aux pères. Un ami, qui a ce vice, n’est point ami fidèle et constant. Siang frère de Chun, et Tan tchu fils de Yao, que l’histoire nous représente comme fort vicieux, l’étaient principalement par leur orgueil. Les autres défauts qu’ils avaient, étaient des fruits de ce méchant arbre. Vous qui aspirez à être sages, si vous voulez l’être véritablement, il ne faut pas vous départir un seul moment de cette raison céleste, qui est naturelle à notre âme, et qui en fait comme l’essence. Cette raison d’elle-même est très pure et très claire. Il ne faut pas souffrir que la moindre chose en altère la pureté. Qu’y a-t-il à faire pour cela ? Point de moi, et cela suffit. Je dis point du tout, même au fond du cœur ; car s’il en reste, il repoussera et reproduira l’orgueil. Comment nos anciens sages se sont-ils rendus si vertueux et si recommandables ? C’est en détruisant le moi. En effet le moi détruit, l’humilité devient facile. Or l’humilité est le fondement de toutes les vertus, comme l’orgueil qui lui est contraire, est la racine de tous les vices.

Dans un autre endroit, le même traitant ce sujet, et répétant un peu différemment les mêmes choses, dit : aujourd’hui la maladie la plus universelle et la plus dangereuse est l’orgueil. Ce vice est comme la source empoisonnée, d’où sortent tous les désordres. Quelqu’un est-il sujet à l’orgueil ? Il se croit au-dessus des autres ; il n’approuve que ce qu’il fait, il ne veut céder à personne. Est-on livré à ce dangereux vice ? on ne peut être ni bon fils, ni bon frère, ni bon sujet. La dureté inflexible de Siang, pour son frère Chun ; la licence incorrigible de Tan tchu fils de Yao, n’étaient que des rejetons de cette vicieuse racine. Puisque vous voulez entrer dans les voies de la sagesse, commencez par arracher de votre cœur jusqu’à la