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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/165

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L’empereur de son côté se livrant au goût naturel qu’il avait pour les sciences, reprenait ses premières études ; et les Pères, qui ne savaient comment témoigner leur reconnaissance à un prince, qui venait de se déclarer si ouvertement le protecteur du christianisme, redoublèrent leur zèle et leur assiduité. Il se présenta une occasion de donner de nouvelles marques de leur attachement pour sa personne, et elle fut suivie d’une nouvelle faveur du prince.

L’empereur fut attaqué d’une fièvre maligne : le P. Gerbillon et le P. Pereyra, qui passaient les nuits au palais par son ordre, lui donnèrent de ces pâtes médecinales que Louis XIV faisait distribuer aux pauvres dans toute l’étendue de son royaume. Une demie prise de ces pâtes le délivra de la fièvre, et il fut dans une santé parfaite : mais quelques jours après, faute de s’être assujetti à certain régime, il eût quelques accès de fièvre tierce, qui donnèrent de l’inquiétude. On fit publier dans Peking, que si quelqu’un savait un remède contre la fièvre tierce, il eût à en faire part incessamment ; et que ceux qui en étaient attaqués, se rendissent au palais pour en être guéris.

Quatre des plus grands seigneurs de la cour, dont était le prince So san, devaient recevoir les remèdes, et assister aux épreuves qu’on en ferait. Il s’en fit de toutes les sortes ; et un bonze se distingua : il fit tirer d’un puits un seau d’eau fraîche, il en remplit une tasse, il la présenta d’abord au soleil, en élevant ses mains et ses yeux au ciel ; puis se tournant vers les quatre parties du monde, il fit cent postures, qui semblaient avoir quelque chose de mystérieux. Après avoir achevé ses cérémonies, il fit avaler cette eau à un fébricitant, qui attendait à genoux sa guérison. Ce prétendu remède n’ayant eu nul effet, on regarda le bonze comme un imposteur.

Les missionnaires apportèrent une livre de quinquina, qui était jusqu’alors inconnu à la Chine : on en fit l’expérience sur trois malades : on le donna à l’un après son accès ; à l’autre le jour de l’accès ; et au troisième, le jour qu’il avait du repos. Dieu bénit le remède, et ces trois malades, qu’on gardait à vue dans le palais, furent guéris dès cette première prise.

On en donna aussitôt avis à l’empereur : comme il avait passé la nuit dans de grandes agitations, il se détermina à le prendre. La fièvre fut arrêtée, et sa santé parfaitement rétablie. Ce fut une grande joie au palais et dans la capitale, et l’on accabla les missionnaires de félicitations.

L’empereur dit publiquement, que le P. Gerbillon et le P. Bouvet lui avaient sauvé la vie, et qu’il voulait récompenser leur zèle. Il se fit apporter le plan de toutes les maisons qui lui appartenaient dans le Hoang tching, c’est-à-dire, dans la première enceinte du palais : il choisit la plus grande et la plus commode, qui appartenait autrefois au gouverneur du prince héritier, dont les biens avaient été confisqués pour un crime digne de mort, et il en fit présent aux deux Pères.

Comme elle n’était pas propre à leurs usages, le tribunal des édifices eût ordre d’y faire les réparations nécessaires : quatre architectes y furent employés,