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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/167

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Les jours sont si bien ménagés à travers les arcades et les balustrades, qu’il est aisé de s’y tromper. Cette pièce est de M. Gherardini, peintre italien, que le P. Bouvet amena avec lui à la Chine.

Aux deux côtés du Dôme sont deux ovales, dont les peintures sont très riantes. Le retable est peint de même que le plafond : les côtés du retable sont une continuation de l’architecture de l’église en perspective. C’était un plaisir de voir les Chinois s’avancer, pour visiter cette partie de l’église, qu’ils disaient être derrière l’autel : quand ils y étaient arrivés, ils s’arrêtaient, ils reculaient un peu, ils revenaient sur leurs pas, ils y appliquaient les mains, pour découvrir si véritablement il n’y avait ni élévations, ni enfoncements.

L’autel a une juste proportion, et est magnifique, quand il est paré de cette belle argenterie, et de ces somptueux ornements, dont la libéralité de Louis XIV a bien voulu l’enrichir.

A peine cette église fût-elle achevée, que les censeurs de l’empire, dont les fonctions sont à peu près semblables à celles des censeurs de l’ancienne Rome, représentèrent que l’édifice était trop exhaussé, et que c’était une infraction manifeste des lois. C’est moi qui ai tort, répondit l’empereur ; c’est par mon ordre que les Pères l’ont élevé de la sorte.

Comme les censeurs insistaient, et disaient qu’il fallait envoyer un nouvel ordre de l’abaisser : Que voulez-vous que je fasse, répartit le prince : ces étrangers me rendent tous les jours de très grands services ; je ne sais comment les récompenser ; ils refusent les emplois et les dignités ; ils ne veulent point d’argent, il n’y a que leur religion qui les intéresse ; et c’est par ce seul endroit, que je puis leur faire plaisir : qu’on ne m’en parle plus.

Ce fut le neuvième de décembre 1702 qu’on fit l’ouverture de la nouvelle église, et que le P. Grimaldi vint la bénir solennellement. Il était accompagné de plusieurs missionnaires de différentes nations. Douze catéchistes en surplis portaient la croix, les chandeliers, l’encensoir, etc. Deux prêtres avec l’étole et le surplis marchaient à côté de l’officiant : les autres missionnaires suivaient deux à deux : et ensuite venaient en foule les fidèles, que la dévotion avait attirés de toutes parts.

Après la bénédiction de l’église, tout le monde se prosterna devant l’autel ; les Pères rangés dans le sanctuaire, et tous les chrétiens dans la nef, frappèrent plusieurs fois la terre du front. La messe fut ensuite célébrée avec diacre et sous-diacre par le P. Gerbillon : un grand nombre de fidèles y communièrent : le P. Grimaldi fit à la fin de la messe un discours très touchant, et la fête se termina par le baptême d’une multitude de catéchumènes. Une quantité incroyable de personnes vinrent voir cet édifice : tous se prosternaient à plusieurs reprises devant l’autel ; et un grand nombre se firent instruire de la loi chrétienne, pour se mettre en état de l’embrasser.

Il ne pouvait y avoir de disposition plus avantageuse à la prédication de l’Évangile ; l’édit favorable qu’on venait d’obtenir, et qui donnait toute liberté aux peuples de s’y soumettre ; un grand nombre d’ouvriers évangéliques pleins de vertu et de zèle, qui étaient entrés dans l’empire ;