Aller au contenu

Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans l’indigence, après ce changement de fortune, je dois lui marquer de plus grands égards que jamais ; sans quoi il me pourrait soupçonner d’une affectation d’indifférence, afin de rompre tout commerce avec lui. Il faut donc que j’évite jusqu’aux moindres choses qui pourraient fortifier en son esprit un pareil soupçon.

L’homme sage, qui sait que les amitiés sont souvent exposées à des ruptures d’éclat, ne s’engage jamais qu’après y avoir longtemps réfléchi. La véritable amitié, quand elle se forme, n’a rien que de simple et d’aisé : elle n’a point recours à ces vaines démonstrations, qui sont presque toujours trompeuses. Que si l’on se trouve obligé de rompre certaines amitiés, il faut le faire sans éclat, et se retirer insensiblement, et à petit bruit. C’est une belle leçon de nos anciens : les amitiés, disent-ils, qui se forment lentement et sans tant d’appareil, sont ordinairement durables.





Des devoirs des parents.


Porter l’indifférence à l’égard de ses parents jusqu’à les méconnaître, c’est l’effet d’un grand orgueil et d’une lâche ingratitude : les protéger lorsqu’ils ont besoin de votre secours, les soulager dans leur misère, c’est l’effet d’une grande vertu. Si vous souffrez vos parents dans de vils emplois, s’ils en sont réduits à être domestiques ou esclaves, la honte n’en retombe-t-elle pas sur vous ? Et de plus, n’êtes-vous pas coupables à l’égard de vos ancêtres, qui sont aussi les leurs ?

Un pauvre parent vient me voir pour me communiquer une affaire : j’aperçois à son air qu’il est embarrassé, qu’il voudrait bien s’expliquer, mais qu’il n’ose, et qu’il ne peut pas trouver des termes propres à s’énoncer. Il est de mon devoir de pénétrer dans sa pensée, de la deviner, s’il est possible, de le mettre sur les voies, afin qu’il ait moins de peine à se déclarer : et si je suis en état de lui accorder le secours qu’il attend de moi, je dois le faire généreusement, et assaisonner mon bienfait des manières les plus obligeantes.

Quand une extrême misère oblige de pauvres parents à implorer votre assistance, consultez votre cœur et vos forces ; et fallût-il vous incommoder, faites un effort pour les aider ; ne leur dites point : voilà ce que je vous prête : ce mot de prêter leur ferait sentir l’obligation de rendre, et les affligerait. Surtout ne promettez rien que vous ne deviez tenir.

Les hommes sont faits de telle sorte, qu’il n’est pas possible qu’entre parents et voisins il ne survienne quelque sujet de plainte ou de mécontentement. Comment parer à ces premières semences de division ? C’est de se supporter les uns les autres, et de se souvenir que si un parent à des défauts