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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/209

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serait une ressource encore plus sûre. On se donne des airs importants ; on se fait passer pour être riche et accrédité : il serait plus avantageux de passer pour un homme droit et sincère. On veut se faire valoir en parlant beaucoup : on y réussirait davantage par sa retenue et par son application à ses plus petits devoirs. On court après l’estime des hommes : on serait plus sage de la mériter par la droiture de son cœur. On donne dans le faste et la dépense : la qualité de maître de la sagesse ferait plus d’honneur. On se glorifie d’avoir de grandes terres et des bâtiments somptueux ; il serait plus glorieux de répandre partout la grande doctrine des mœurs.

Trouver à l’écart un trésor, dont on reconnaît pourtant le maître ; rencontrer seule une belle femme dans un appartement reculé ; entendre la voix de son ennemi mortel tombé dans un fossé, où il va périr, si on ne lui tend la main ; ô que c’est là une admirable pierre de touche ! Hao y kouai chi kin che.

C’est un dangereux caractère que celui de fanfaron, qui se pique d’une bravoure mal placée. Un sage ne craint point le danger, et n’est point arrêté par aucun obstacle, lorsque de grands intérêts l’obligent à risquer sa vie : mais l’exposer sans raison, n’est-ce pas être insensé ? N’en voit-on pas tous les jours qui s’exposent, pour avoir le plaisir d’assister à une comédie publique ? Combien d’autres mènent par la main leurs enfants, ou les portent entre les bras, au risque d’être étouffés, comme il arrive, soit aux réjouissances des Lanternes, soit aux feux d’artifice, soit aux combats des barques à tête de dragon. Alors la foule accable, renverse, étouffe. Combien de spectateurs sont culbutés ! Faut-il pour un si frivole divertissement exposer ainsi sa vie ?

Il est écrit que nos anciens évitaient de monter dans les lieux trop élevés, et de marcher auprès des précipices : ce sont des excès semblables qu’ils condamnent par cette expression. Le doux repos est le fruit d’une vive application : la défiance est la mère de la sûreté ; et une grande hardiesse vient souvent d’une timide circonspection.





De l’amour des Lettres.


La lecture des livres donne à ceux qui s’y appliquent, un certain air de politesse, qui se répand sur tout ce qu’ils font, et sur tout ce qu’ils disent. Un homme qui a acquis de l’intelligence dans le maniement des affaires, agit d’une manière aisée : ses avis ou ses décisions semblent couler de source : il ressemble à ces personnes riches, qui sans vouloir toujours briller, ont certain je ne sais quoi dans l’air et dans les manières, qui anoblit leur extérieur le plus simple.

Quand je lis pour la première fois un excellent livre, c’est comme si j’avais acquis de nouveau un bon ami. Lorsque je reprends un livre que