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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/30

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king, fut d’en aller rendre un hommage solennel au Chang ti ; après quoi il dressa ces sages lois, qui sont le fondement, sur lequel est appuyé le gouvernement de l’empire. Il créa des mandarins, il donna de beaux préceptes sur les cinq principaux devoirs du roi et des sujets, du père et de ses enfants, du mari et de sa femme, des aînés et des cadets, et des amis entr’eux, en sorte que depuis le plus grand jusqu’au plus petit, chacun savait à qui immédiatement il devait commander ou obéir.

Son exemple donna un grand poids à ses préceptes. A voir sa respectueuse soumission envers Yao, qu’il regardait comme son père et son maître, il n’y avait personne qui ne se sentît porté à exécuter ses sages lois. Il semblait, dit le Chu king, que le Chang ti s’était fait lui-même collègue de Chun ; et que, pour faire réussir ses desseins, il lui eût laissé diriger à son gré sa toute puissance.

Yao ne mourut que vingt-huit ans après l’adoption de Chun. Le regret d’avoir perdu un si grand prince, fut universel dans tout l’empire. Chun se trouvant seul maître, partagea les emplois entre plusieurs sages, dont il voulut éprouver les talents. A l’exemple d’Yao, il ne choisit point un successeur dans sa famille : son choix tomba sur le sage Yu, et eût l’approbation générale.

O l’aimable Chun ! s’écrie le Li ki, vit-on jamais un meilleur prince ? Pendant sa vie, il n’eut à cœur que le bien public ; et à sa mort, loin de consulter la chair et le sang, et de placer son fils sur le trône, comme l’amour paternel l’en sollicitait, il ne songea qu’aux intérêts de son peuple : il fait voir qu’il en est le vrai père, en lui donnant dans la personne du sage Yu, un autre lui-même, et un digne héritier de son affection pour les peuples.

Le grand Yu n’eut garde d’oublier un devoir qu’il regardait comme capital ; le culte du Chang ti ne fut jamais plus florissant que sous son règne : il songea même à prévenir la négligence, qui pourrait refroidir le zèle de sa postérité : il établit des mandarins à la cour et dans les provinces, comme autant de sages, qui seraient chargés de représenter aux empereurs l’obligation qu’ils ont d’honorer le Chang ti, et de leur donner, lorsqu’il serait nécessaire, d’utiles enseignements sur la pratique des neuf vertus royales.

Cette liberté qu’avaient les sages de l’empire, de représenter au prince quels étaient ses principaux devoirs, fut interrompue dans la suite des temps sous le tyran Kié, prince impie et voluptueux. Il n’admit dans les conseils que de jeunes libertins, qui fomentaient son irréligion, et le flattaient dans ses crimes.

Tous les ordres de l’État ne purent souffrir plus longtemps sa cruauté, et le scandale de ses pernicieux exemples ; ils le déposèrent de la dignité impériale ; et ce fut par lui que finit la dynastie des Hia. Ils mirent sur le trône Tching tang petit-fils de Hoang ti ; et toute la raison qu’on allégua de la chute de celui-là, et de l’élévation de celui-ci ; c’est que Kié était devenu un impie, qui avait oublié le serment qu’il avait prêté en montant sur le trône, de continuer le culte suprême au Chang ti.