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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/32

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Sur quoi le livre intitulé Y king, dit élégamment dans son style énigmatique, que tous les bœufs égorgés par Tcheou, ne valaient pas les plus viles offrandes de Ven vang ; parce que celui-là offrait des sacrifices avec un cœur souillé de crimes, au lieu que celui-ci faisait consister la meilleure partie de son offrande dans la pureté de son cœur.

Après la mort de Ven vang, il fut conclu d’une voix unanime dans une assemblée générale des tchu heou[1], qu’on détrônerait le tyran, et qu’on mettrait Vou vang à la tête de cette expédition. Le seul Vou vang parut s’opposer à cette résolution : du moins il demanda du temps, pour examiner si c’était effectivement l’ordre du Tien. Il passa deux ans entiers à délibérer ; et son cœur fut agité de continuelles inquiétudes, ne sachant quel parti prendre, et craignant de s’attirer la colère du Tien, soit qu’il acceptât, soit qu’il refusât cette commission.

Enfin, après bien des combats intérieurs qu’il eût à soutenir, il se rendit aux prières et aux sollicitations de tout l’empire. Vou vang ne se fâcha qu’une fois, dit Confucius : dès le premier combat, le tyran mis en déroute, et abandonné des siens, courut à son palais, dressa un bûcher de ce qu’il avait de plus précieux, et s’ensevelit sous les ruines de son palais tout en feu. Ainsi finit la dynastie des Chang. Tous les suffrages mirent aussitôt Vou vang sur le trône, et il rétablit bientôt le gouvernement dans son premier état.

Il est vrai que l’ordre prétendu du Ciel, et le prétexte du zèle pour le bien public, qui servaient à colorer cette usurpation, n’ont pas justifié ce prince dans l’esprit de quelques écrivains postérieurs. Quoique Tching tang et Vou vang aient toujours été regardés comme de grands empereurs et des modèles de vertu, le célèbre Tchao can tsie prononce nettement, que la manière dont ils ont monté sur le trône, est une tache à leur gloire ; et il exalte bien davantage les princes Chun, Yu, Ven vang, Tcheou kong, qui ayant été collègues d’empereurs, n’ont pris pour eux que ce qu’il y avait de pénible dans le gouvernement.

Quoi qu’il en soit, il paraît par toute cette doctrine tirée des livres classiques, que depuis la fondation de l’empire par Fo hi, et pendant une longue suite de siècles, l’Être suprême, connu plus communément sous le nom de Chang ti, ou de Tien, était l’objet du culte public, et comme l’âme, et le premier mobile du gouvernement de la nation ; que ce premier Être était craint, honoré, respecté ; et que non seulement les peuples, mais les Grands de l’empire, les empereurs mêmes sentaient qu’ils avaient au-dessus d’eux un maître et un juge, qui sait récompenser ceux qui lui obéissent, et punir ceux qui l’offensent. C’était au Chang ti que tout se rapportait.

De tous les êtres naturels, disait Confucius à son disciple Tseng tse, il n’y en a point de plus estimable que l’homme, de toutes les actions des hommes, il n’y en a point de plus louable que la piété filiale ; entre les devoirs de la piété filiale, le plus indispensable c’est d’obéir avec respect aux ordres de son père :

  1. Nom sous lequel on désigne les princes feudataires.