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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/349

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les officiers de la cour commencèrent à en user ? C’est une chose très constante : et la cause de cet usage fut que la cour des Song était placée dans un terrain sec et poudreux. Les officiers de la cour incommodés par la poussière, cherchèrent à s’en défendre par ces bonnets. Je demande donc à ces charlatans, si telle montagne qui a eu de tout temps cette figure, portait bonheur pour être kiu gin, quand les kiu gin portaient de semblables bonnets. Je ne vois pas qu’ils le disent : mais quand ils le prétendraient, je demanderais encore : d’où vient que cette montagne, qui est toujours demeurée la même, procure aujourd’hui des emplois plus élevés, qu’elle ne faisait autrefois ?

Faut-il choisir un terrain pour bâtir une maison, ou bien pour creuser une sépulture ? S’agit-il de mariage, de commerce, de voyage ? On consulte aussitôt des charlatans sur le rumb de vent et le choix du jour ; le tout, dans la vue d’éviter ce qu’on appelle accidents funestes, et par le désir de réussir. Voilà comme en usent les gens du siècle ; et autant qu’ils sont empressés pour cela, autant négligent-ils le bonheur primitif et principal qui dépend d’eux. Quand le cœur va bien, dit Tsu hou, tout va bien. L’Antiquité n’appela jamais gens heureux, que les gens de bien.


Bonne foi récompensée.


Un jeune homme nommé Leou, qui avait bien de la peine à vivre, tant il était pauvre, entrant un jour dans la salle d’un bain[1] public, y trouva un sac d’argent que quelqu’un y avait perdu. Leou, après s’être lavé, fit semblant d’être incommodé, et se coucha dans cette salle. Il y passa toute la nuit, attendant que celui qui avait perdu le sac, vînt en demander des nouvelles. Le lendemain de grand matin, un homme entre tout essoufflé, et dit en se lamentant : Il y a huit ans que je cours de tous côtés, faisant mon petit commerce ; tout ce que j’ai pu gagner, se réduisait à quatre-vingt-cinq pièces d’argent ; je les portais dans un sac ; mes compagnons de voyage m’engagèrent hier à venir ici. Après m’être lavé comme les autres, je partis de compagnie au clair de la lune ; ce n’est qu’à trois lieues d’ici que je me suis aperçu que je n’avais plus mon sac. Aussitôt le jeune homme Leou se lève : Consolez-vous, dit-il à cet homme, je vous attendais ici ; voilà votre sac et votre argent. Le marchand s’en alla transporté de joie. Pour ce qui est du jeune Leou, il fut sifflé de bien des gens. Pourquoi ne pas profiter, lui disait-on, d’une si heureuse rencontre, pour te mettre à ton aise à l’avenir ? Malgré ma pauvreté, répondit Leou, je n’ai jamais fait le moindre tort à personne. Je suis convaincu en général, que celui qui s’approprie le bien d’autrui, en est puni tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre. Comment

  1. Ce n'est qu'une maison dont le maître tient toujours de l'eau chaude prête, pour en donner à qui veut se laver le corps en été. On en est quitte pour quelques deniers de cuivre.