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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/413

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donnait pas de vaines paroles, il leur fit présent par avance de cent taëls.

Cette libéralité produisit son effet ; et les deux voleurs consentirent à ce qu’on voulut. Ainsi, lorsqu’on les fit venir pour être examinés et jugés en dernier ressort, Siu kung, qui était chargé de cette commission, les voyant à ses pieds, commença l’interrogatoire de cette sorte : Combien avez-vous tué de personnes ? Les deux voleurs répondirent : En tel temps, en tel lieu nous avons tué tels et tels ; dans tel mois, et à tel jour, nous allâmes pendant la nuit dans la maison d’un certain Li y, et nous l'égorgeâmes.

Siu kung ayant reçu ces dépositions, fit reconduire les voleurs en prison. Ensuite il dressa un procès verbal, où leurs réponses étaient exactement détaillées, et il conclut par prononcer leur sentence. Seou va aussitôt trouver les greffiers, et leur fait faire au nom du tribunal une copie bien légalisée de ce jugement : après quoi ayant pris congé de Siu kung, il vole à Sou tcheou, va droit à l’hôtel du mandarin, qui donnait alors son audience, et lui remet le paquet.

Le mandarin l’ouvre ; et ayant lu que l’auteur du meurtre d’un certain Li y a été pris et reconnu, il s’écria d’abord : Comment cela se peut-il faire, puisque Ouang kia a nettement confessé ce crime ! Comme il ordonnait qu’on fît comparaître le prisonnier, pour être interrogé de nouveau, Ouang siao eul entre dans le Parquet, criant à haute voix : On a calomnié mon père ; on veut l’opprimer.

Cet assemblage de circonstances étonna le mandarin ; et déposant sur-le-champ tous ses doutes, il ordonna qu’on remît Ouang kia en liberté : ce qui s’exécuta à l’instant.

La dame Tsiang ayant appris la nouvelle de ce prompt élargissement, comprit bien qu’elle n’avait plus de démarches à faire, et que ses poursuites seraient inutiles. Après tout, dit-elle, comme c’est pendant la nuit que le meurtre s’est fait, il n’est pas impossible que je me sois trompée. Ainsi elle abandonna cette affaire, et ne songea pas à la pousser davantage.

On peut juger quelle était la joie de Ouang kia. Il retourna dans sa maison comme en triomphe, au milieu des acclamations de ses parents et de ses amis. Sa démarche était fière et orgueilleuse ; mais comme il était prêt d’y entrer, il fut tout à coup frappé d’une bouffée de vent froid, et cria de toutes ses forces : Je suis perdu. J’aperçois Li y : il me menace, il se jette sur moi ; et en proférant ces dernières paroles, il tombe à la renverse sans connaissance, et expire en un instant. Exemple terrible et effrayant ! Grande leçon ! On ne saurait tromper le Tien.