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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/42

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accompagnant les traits de leur pinceau de grimaces et de cris horribles : ils font un tintamarre affreux de chaudrons et de petits tambours : quelquefois, pour punir la vie criminelle des Chinois, Dieu permet qu’ils réussissent : quelquefois aussi tout leur fracas ne produit nul effet. Ils savent néanmoins se concilier du respect et de l’autorité par leurs enchantements, et par le secours que le démon leur prête, pour tromper et séduire ces pauvres aveugles.

On voit à la Chine un grand nombre de scélérats vendus à ces ministres d’iniquité, qui font le métier de devins. Bien qu’ils n’aient jamais vu celui qui les consulte, ils lui disent son nom, et tout le détail de sa famille ; comment sa maison est située ; combien il a d’enfants, leurs noms, et leur âge ; et cent autres particularités, que le démon peut savoir naturellement, mais qui surprennent étrangement des esprits faibles et crédules, tels qu’est souvent le peuple chinois.

On voit ces devins, après avoir invoqué les démons, faire paraître en l’air les figures du chef de leur secte et de leurs idoles : d’autrefois ils font écrire un pinceau de lui-même, sans qu’on le touche ; et ce que le pinceau trace sur le papier, ou sur du sable, est la réponse à ce qu’on souhaite de savoir : ou bien ils font passer en revue tous les gens d’une maison dans un chaudron plein d’eau, et ils y font voir les changements qui doivent arriver dans l’empire, et les dignités imaginaires où seront élevés ceux qui embrassent leur secte ; enfin ils prononcent des paroles mystérieuses, et qui n’ont aucun sens : ils jettent des sortilèges sur les maisons et sur les personnes ; et rien n’est plus fréquent que d’entendre de ces sortes d’histoires. Il est vraisemblable que la meilleure partie n’est qu’illusion ; mais aussi il n’est guère croyable que tout le soit, et qu’il n’y ait réellement plusieurs effets, qu’on ne doive attribuer à la puissance du démon[1].




De la secte de Fo ou Foë.


Il y avait deux cent soixante-dix ans que les empereurs de la dynastie des Han occupaient le trône impérial, et l’on comptait la soixante-cinquième année depuis la naissance de Jésus-Christ, lorsque l’empereur Ming ti introduisit à la Chine une nouvelle secte, encore plus dangereuse que la première, et qui a fait des progrès beaucoup plus rapides.

A l’occasion d’un songe qu’eût ce prince, il se ressouvint de ce mot que Confucius répétait souvent ; savoir, que c’était dans l’occident qu’on trouverait le saint. Il envoya des ambassadeurs aux Indes, pour découvrir quel était ce saint, et pour y chercher la véritable loi qu’il y enseignait. Les

  1. Les personnes sages parmi les Chinois, disent que ce sont de faux bruits qu’on fait courir, et qu’il n’y a rien de réel.