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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/446

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Les plaisantes funérailles dont tu m’honorais !
Tu me régalais d’un grand coup de hache.
 
C'en sont ici de vraies funérailles,
C’est pour te consoler qu'est faite cette chanson avec sa symphonie.

Le sifflement de la hache se fit entendre à mes oreilles,
Et il me réveilla du sommeil de la mort.
 
Les accents de ma voix dans ce concert
Ont dû aller jusqu'à toi.

Je crève de dépit et de joie ; mettons en pièces ces pots et ces plats de terre, ridicules instruments de ma symphonie :
La fête de tes obsèques est finie. O qui t’aurait bien connue ! Tu dois à présent me connaître.


Tchouang tse ayant achevé de chanter, se mit à rêver un moment, et il fit ces quatre vers :


Te voilà morte, il n’y a plus qu’à t’enterrer.
Quand tu me crus mort ; tu disais, je me remarierai.
Si je m'étais trouvé véritablement mort ; la belle fête qui allait suivre !
Que de plaisanteries tu aurais fait cette nuit-là sur mon compte !


Après quoi Tchouang tse fit de grands éclats de rire ; et donnant à droite et à gauche sur les ustensiles, il brisa tout. Il fit plus : il mit le feu à la maison, qui n’était couverte que de chaume. Ainsi tout fut bientôt réduit en cendre : et ce fut là le bûcher de la malheureuse Tien, dont il ne resta plus de vestige. On ne sauva de l’incendie que les livres Tao te. Ce furent des voisins qui les recueillirent, et qui les conservèrent.

Après cela Tchouang tse se remit à voyager, bien résolu de ne jamais se remarier. Dans ses voyages il rencontra son maître Lao tse, à qui il s’attacha le reste de sa vie, qu’il passa agréablement avec lui.

A l’histoire précédente, on a ajouté quatre vers, qui disent ce qui suit :


<poem> Le fameux Ou, dans un transport de jalousie tue sa femme ; c’est brutalité. L’illustre Siun meurt presque de douleur à la mort de sa femme ; c’est folie. Le philosophe Tchouang qui s’égaie par le carillon des pots et des verres, et qui prend le parti de la liberté et de la joie ; Voilà mon maître en cas d’un évènement semblable au sien.