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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/482

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la terre pour la prospérité du royaume, sans songer seulement à sa maison particulière. L’assassin qui le vit et qui l'ouït, dit en lui-même : si je tue un si bon mandarin, j’irai directement contre le ciel ; je ne le ferai certainement pas. Si je m’en retourne à celui qui m’a envoyé, je suis mort : voilà qui est résolu. Il avait sur lui un poignard caché ; mais en voyant un si vertueux mandarin, il se repentit ; il ouvrit les yeux à la lumière, et se brisa la tête contre un arbre de cannelle.


TCHING POEI.


Celui que je vois se tuer contre cet arbre est donc Tsou mi ?


TCHING YNG.


Oui, mon fils, c’est lui. L’habillé de noir au commencement du printemps sortit de la ville, pour aller exciter des laboureurs au travail : il rencontra sous un mûrier un grand corps couché sur le dos et la bouche ouverte. Le bon mandarin lui en demanda la cause ; ce géant répondit : je m’appelle Ling tché, il me faut une mesure de riz à chaque repas, cela peut suffire pour dix hommes : mon maître ne pouvant me nourrir, m’a chassé de chez lui ; si je veux prendre de ces mûres pour manger, il dit que je le vole ; je me couche donc sur le dos, la bouche ouverte, les mûres qui tombent dedans, je les avale ; mais pour celles qui tombent à côté, j’aimerais mieux mourir de faim, que de les manger, et me faire dire que je suis un voleur. L’habillé de noir dit, voilà un homme de probité et de résolution. Il lui fit donner du vin et du riz tant qu’il en voulut ; et quand il fut bien saoul, il s’en alla sans rien dire : l’habillé de noir ne s’en offensa point ; à peine y prit-il garde.


TCHING POEI.


Ce trait seul fait voir sa vertu. Cet homme à-demi mort de faim sous le mûrier s’appelle donc Ling tché ?


TCHING YNG.


Mon fils, souvenez-vous bien de tout ceci. Un jour certain royaume d’occident offrit en tribut un Chin ngao, c’est-à-dire, un chien de quatre pieds. Le roi de Tsin donna ce chien à l’habillé de rouge : celui-ci ayant juré la perte de l’habillé de noir, fit faire dans son jardin intérieur, un homme de paille, et l’habilla de la même manière que l’habillé de noir s'habillait ; il fit mettre dans le ventre de ce fantôme de la chair et des entrailles de mouton ; il fit jeûner six ou sept jours Chin ngao, après quoi il mena son chien dans le jardin, lui fit entrevoir la chair, et le lâcha ; le chien mangea tout. Au bout de cent jours que dura ce manège, il alla dire au roi qu’il y avait à sa cour un traître qui attentait sur la vie de Sa Majesté. Où est-il ? dit le roi. L’habillé de rouge répondit : Chin ngao peut le découvrir. Il amène le chien dans la salle royale ; l’habillé de