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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/56

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et en leur donnant des sens forcés, de les amener à leurs idées particulières.

L’autorité de l’empereur, la réputation de ces mandarins, leur style ingénieux et poli, les matières nouvelles qu’ils traitaient d’une manière propre à piquer la curiosité, le soin qu’ils eurent de vanter leur intelligence dans le vrai sens des anciens livres ; tout cela donna du crédit à leurs ouvrages, et plusieurs lettrés s’y laissèrent surprendre.

Ces nouveaux docteurs prétendirent que leur doctrine était fondée sur celle de l’Y king, le plus ancien des livres chinois, dont nous avons déjà parlé : mais ils s’expliquèrent d’une manière obscure, remplie d’équivoques et de contradictions, se servant d’expressions propres à persuader qu’ils n’avaient garde d’abandonner l’ancienne doctrine, et se faisant réellement une doctrine nouvelle, parlant en apparence, comme les anciens, de l’objet du culte primitif, et donnant à ces paroles un sens impie, qui détruisait toute sorte de culte. Voici leur système, qu’il n’est pas aisé de débrouiller, et que vraisemblablement ceux qui l’ont inventé, n’entendent guère eux-mêmes.

Ils donnèrent au principe de toutes choses le nom de Tai ki, et comme ce nom, de l’aveu même de Tchu tse, qu’ils suivent dans leur système, n’a jamais été connu, ni de Fo hi auteur de l’Y king, et fondateur de la monarchie, ni de Ven vang, et de Tcheou kong, son fils, ses interprètes, qui ne sont venus que dix-sept cents ans après Fo hi, selon l’opinion de plusieurs Chinois, ils s’appuient de l’autorité de Confucius.

Cependant, selon le père Couplet, très versé dans l’intelligence des livres chinois, ce prince des philosophes, n’en a parlé qu’une seule fois ; et encore n’est-ce que dans un court appendice, qu’il a mis au bout du livre, qui contient ses interprétations de l’Y king, et où il dit, que la transmutation contient le Tai ki, et que celui-ci produit deux qualités, le parfait et l’imparfait ; que ces deux qualités produisent quatre images ; et que ces quatre images produisent huit figures.

A la réserve de ce seul texte, il n’est parlé nulle part du Tai ki, ni dans les cinq livres canoniques appelés Ou king[1], ni dans les quatre livres de Confucius et de Mencius. Aussi les quarante-deux docteurs disent-ils, qu’ils sont redevables aux deux interprètes qui ont écrit sous la famille des Song, d’avoir découvert cette doctrine profonde et cachée, qui avait été ignorée de toute l’antiquité.

Quoiqu’ils disent que ce Tai ki est un je ne sais quoi, qu’il n’est pas possible d’expliquer, qui est séparé des imperfections de la matière, et auquel on ne peut pas donner de nom qui lui convienne, ils s’efforcent néanmoins d’en donner quelque idée, qui puisse autoriser leur sentiment ; et comme ces deux mots Tai ki signifient grand pôle, ou grand faîte, ils disent qu’il est, par rapport à tous les êtres, ce qu’est le faîte par rapport à un édifice ; qu’il sert à unir ensemble, et à conserver toutes les parties de l’univers, de même que le faîte assemble et soutient toutes les parties qui composent le toit d’un édifice.

  1. Ou, signifie cinq. King est pris là pour Livre canonique.