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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/69

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parmi les femmes ; ils tâchent de l’apaiser par des cérémonies impies et ridicules : tantôt ce sera quelque idole, ou plutôt le démon qui habite dans l’idole : tantôt ce sera quelque haute montagne, ou quelque gros arbre, ou quelque dragon imaginaire, qu’ils se figurent dans le ciel ou au fond de la mer : ou bien, ce qui est encore plus extravagant, ce sera comme la quintessence de quelque bête, d’un renard par exemple, d’un singe, d’une tortue, d’une grenouille, etc. C’est ce qu’ils appellent tsing, ou bien yao couai, ou couai tout seul, c’est-à-dire, monstre, ou chose fort surprenante.

Ils disent que ces animaux, après avoir vécu longtemps, ont le pouvoir de purifier leur essence, de se dépouiller de ce qu’ils avaient de grossier et de terrestre ; et cette partie plus subtile qui demeure, c’est ce qui se plaît à troubler le jugement aux hommes et aux femmes : un renard ainsi purifié est terriblement à craindre. Dès qu’ils sont malades, et que la fièvre les fait extravaguer, c’est visiblement le démon qui les tourmente : on appelle les tao sseë ; et on ne peut imaginer combien de jongleries y et quel tintamarre ils font dans la maison.

C’est ainsi que le démon se joue du peuple, et même des demi-savants. Il met surtout en usage trois sortes d’inventions, qui ne servent pas peu à entretenir leur ignorance.

La première, c’est ce que les Chinois appellent souan ming, supputer sa destinée. Tout est plein à la Chine de tireurs d’horoscopes : ce sont la plupart des aveugles, qui jouent d’une espèce de petit tuorbe, et qui vont de porte en porte s’offrir à dire la bonne aventure, pour deux ou trois doubles. Il est étonnant d’entendre ce qu’ils débitent sur les huit lettres qui composent l’an, le mois, le jour, et l’heure de la naissance d’un chacun, et qu’on appelle pour cette raison-là Pa tseë. Ils vous prédisent des malheurs généraux qui vous menacent : ils promettent ordinairement des richesses et des honneurs, grand succès dans le commerce ou dans les études : ils vous apprennent la cause de votre maladie, ou de celle de vos enfants, pourquoi votre père ou votre mère sont morts : c’est toujours quelque idole qu’on a offensée, et qu’il faut apaiser ; c’est un certain bonze qu’il faut appeler, etc. Si par un pur effet du hasard, ce qu’ils ont prédit arrive, l’erreur jette dans les esprits de plus profondes racines que jamais. Si leurs prédictions se trouvent fausses, on se contente de dire que cet homme-là ne savait pas son métier, pou ling.

La seconde invention, c’est de tirer le sort pa coua, ou bien ta coua. C’est souvent consulter les esprits. Il y a plusieurs manières de le tirer : la plus ordinaire est d’aller devant une idole, y brûler quelques parfums, et battre plusieurs fois la terre du front. Il y a toujours proche de cette idole un cornet de bois rempli de petits bâtons plats de la longueur d’un demi pied, sur lesquels on a écrit des caractères énigmatiques, qui sont comme autant d’oracles. Après bien des révérences, on fait tomber au hasard un de ces petits bâtons, et l’on s’en fait expliquer le sens par le bonze qui préside souvent à cette cérémonie : ou bien l’on consulte une grande pancarte, qui est affichée contre le mur, et qui déchiffre tout ce