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L’EUROPE ET TOMBOUCTOU

Sur le point de repartir, Laing avait demandé à Osman-Alcaïdi de lui procurer un guide. Il s’était résolu à reprendre la route d’Araouan par laquelle il était venu. Son hôte manda à Tombouctou le chef des Bérabichs, tribu maure dont les campements sont en ces parages. Il s’appelait Sidi Mohamed l’Habeida ; c’est le grand-père du chef actuel. Osman-Aleaïdi fui fit part des craintes de la ville et l’invita à disposer de l’Européen, corps et biens.

Ce point encore est acquis par l’unanimité des témoignages : les Bérabichs n’ont pas tué Laing de leur propre initiative, ni par surprise, ni pour exterminer un chrétien, mais sur l’invite formelle du chef de Tombouctou. Il faut évidemment que cette version nouvelle soit la vraie, car, en l’espèce, les Tombouctiens auraient tout intérêt à rejeter sur les Bérabichs la responsabilité de ce meurtre et non à s’en charger.

Mohamed l’Habeida s’empressa d’accepter ce rôle odieux. Avec les instincts pillards de sa race, il n’eut pas à se faire violence. Laing quitta Tombouctou sous sa garde. Deux jours ils cheminèrent de compagnie vers Araouan, et l’infortuné fut tué à l’aurore du troisième.

Le séjour de Laing et les circonstances qui l’accompagnèrent sont restés, malgré les années, assez vivaces dans le souvenir des habitants, car, sur les instances de l’Angleterre, je pense, le sultan du Maroc fit faire à Tombouctou une enquête sur ce meurtre. À cette époque-là, les autorités ne se soucièrent certainement pas d’assumer la responsabilité du crime et durent mettre toute l’affaire sur le dos des Bérabichs. C’est de cette manière que s’est accréditée en Europe la version qui fait de Laing une victime du fanatisme des gens du Désert.

Une de ses dernières lettres annonçait qu’il avait recueilli de nombreux documents sur Tombouctou. Ces précieux papiers ne manquèrent pas de préoccuper le monde savant