Aller au contenu

Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
46
TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

de Bonci-Ba, « la grande barbe », nom que lui ont donné les populations nigritiennes. Aucune trace de notre René Caillié, sinon à Tombouctou même. Le voyage de Barth, bien qu’il ne se soit pas accompli en ces régions, est connu cependant, ayant été répandu par des gens qui l’avaient vu ou qui en avaient entendu parler à Tombouctou.

Les vieux, à la barbe et aux sourcils blancs, à la peau noire et craquelée, étaient mes narrateurs préférés. Ils évoquaient devant moi la prospérité passée de la vallée du Niger, sa richesse, son grand commerce. Puis ils me contaient l’enchaînement des guerres dévastatrices, les funestes conquérants de ce siècle, Cheikou-Ahmadou, le fanatique roi Foulbé, El Hadj Omar, le sanguinaire souverain des Toucouleurs, qui avaient changé en misère l’aisance d’antan. Tombouctou était aussi le sujet de mes fréquentes questions. C’était la ville de leurs souvenirs de jeunesse, ils en parlaient avec abondance et enthousiasme, et encore avec de petits rires, beaucoup de petits rires, au souvenir de la bonne vie et des fredaines qui délassaient des affaires, et à la vision réapparue de la beauté charmeresse des dames de Tombouctou.

Dans les villages de Bosos, c’était Le Niger qui faisait le fond de nos entretiens. Ils me narraient la vie et l’être du géant, et ses légendes. Sur les bords du lac Debo, me confièrent-ils, dans ce monticule que René Caillé a baptisé Saint-Charles et qu’eux appellent le mont Sorba, serait caché un trésor en or que personne n’a pu trouver jusqu’ici. Souvent aussi ils me parlèrent d’une grande, très grande ville, nommée Guidio, également située sur le lac, siège d’un puissant empire disparu aujourd’hui comme les traces mêmes de sa capitale. Enfin, ayant tant d’autres affinités avec les océans, le Niger ne pouvait pas, décemment, ne pas avoir ses histoires de pirates. Leur nid était à Sibi, un bourg couronnant un haut mamelon sur les rives du Niger