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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/198

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BERCEAU D’ÉVÊQUES

Haute culture de Saint-Boniface, de France, d’Angleterre, qui se présentaient chez lui. En quelques minutes, il devenait familier avec son étranger, et la conversation n’avait garde de languir. Son franc regard s’emparait de l’interlocuteur ; et son coup de poing, moins académique peut-être que convaincu, s’abattait bientôt sur la table, pour souligner, de concert avec sa grosse et brusque voix, le point de départ des discussions : « C’est un fait ! » disait-il. « C’est du fait qu’il nous faut conclure ! »

La vie de missionnaire est l’école des sciences pratiques, expérimentales, les seules de ce monde.


De sa réclusion au lac la Biche, Mgr Faraud ne sortit que trois fois : la première, en 1872-1874, pour aller mendier en Europe la subsistance de ses missions ; la seconde, en 1879-1880, pour une visite générale de son vicariat ; la troisième, en 1889, pour se rendre à Saint-Boniface et y mourir.


Nous avons marqué le retentissement des malheurs de la France, en 1870-1871, sur nos missions de l’Extrême-Nord : la menace d’être abandonné par le Vieux-Monde décida le vicaire apostolique à oublier de nouveau ses souffrances physiques et à vaincre, une dernière fois, la répugnance qu’il avait toujours éprouvée de tendre la main.

Quittant le lac la Biche, à l’automne 1872, avec l’appréhension d’un échec contre lequel son courage ne pouvait le rassurer, il laissa cet avis à ses missionnaires :


Que chacun ménage sa soutane et sa chemise. Peut-être serons-nous trop heureux bientôt de pouvoir nous couvrir d’un lambeau de caribou… J’ai grand besoin de vos prières, mes enfants… Jamais je n’avais éprouvé un si grand dégoût à me produire qu’aujourd’hui. Mon âme est vraiment sur son Golgotha !


Il passa, en France, les années 1873 et 1874 : deux années partagées entre le lit de douleurs et les conférences publiques. Mais, loin de l’échec redouté, il trouva les solides ressources qui allaient garantir à son vicariat la vie et la survivance. Il écrivit, sur la fin de sa tournée, à Mgr Clut :

« Qu’elle est généreuse, notre France !… Et dire que