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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/206

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BERCEAU D’ÉVÊQUES

renfermées dans le diocèse de Saint-Boniface, et cela pendant cinq ans d’un travail surhumain. Élu depuis deux ans évêque de Satala, iu partibus, et coadjuteur de Saint-Boniface, j’ai dû attendre qu’il eût le temps d’arriver jusqu’à moi pour que je lui imposasse les mains. C’est un privilège que je me suis réservé, et que ne m’a pas contesté notre cher Mgr Taché, évêque de Saint-Boniface. J’ai déjà exprimé la joie que m’a fait éprouver la venue de ce bon fils qui tenait de moi la tonsure, les ordres mineurs, le sous-diaconat, le diaconat et la prêtrise… Je renonce à exprimer ce que j’ai éprouvé de bonheur, en sacrant un tel évêque.


Le 17 avril suivant, Mgr de Mazenod traçait à Mgr Taché, sur le nouvel évêque, qu’il connaissait encore mieux, ces remarques, demeurées inédites :


Oh, cet excellent Mgr Grandin ! Voilà un missionnaire achevé. Quelle bonne inspiration nous avons eue de le choisir pour être votre coadjuteur ! À lui seul, il vaut dix missionnaires. Il a déployé un bon sens rare, dès son apparition ici. On n’a jamais vu un homme exciter une sympathie plus universelle. C’est prodigieux. Il n’a eu qu’à paraître, et tout le monde s’est mis à l’aimer et à le révérer… Ce cher évêque a l’esprit si juste ; il a tant de vrai zèle pour la gloire de Dieu, le salut des âmes, l’honneur et les avantages de sa mission qui est essentiellement nôtre ; il vous rend tant de justice ; il met si bien chacun à sa place, que c’est un vrai plaisir de s’entretenir avec lui sur tous les objets.


Il fut convenu que désormais Mgr Taché resterait à Saint-Boniface, porte du Nord-Ouest, et que son coadjuteur s’installerait — comme s’installent les missionnaires, — à l’Île à la Crosse, porte de l’Extrême-Nord.

L’Île à la Crosse avait déjà les affections de Mgr Grandin. Il l’aima davantage de 1860 à 1869. Il l’aima peut-être plus que ne l’aimèrent les autres évêques dont elle avait été aussi le Bethléem, parce qu’il y travailla plus que personne, et surtout parce que, l’ayant lui-même développée, embellie, il eut à la voir disparaître dans les horreurs d’un incendie. En deux heures de la froide nuit du 1er mars 1867, sous les yeux de l’évêque, des religieuses, des orphelins, qui étaient là, à peine vêtus, les pieds nus dans la neige, et impuissants à rien sauver, évêché, couvent, orphelinat, remises, provisions de réserve, tout fut brûlé.

En 1869, le Saint-Siège enleva à la juridiction de Mgr