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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/220

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L’ÉVÊQUE DE PEINE

dans les arbres, pataugeant dans les bourbiers, poussant les bœufs. Près de 120 kilomètres se trouvaient ainsi taillés, lorsque Mgr Clut apparut dans la forêt.

Celui-ci avait pour escorte le Père Eynard, et Louis l’Iroquois, depuis le lac Athabaska. Il racontait de la sorte ce qui reste à savoir de Pavcntiirc, à Mgr Taché :


… Nous arrivâmes au confluent de la rivière des Maisons et de l’Athabaska, où le chemin de charrettes devait traverser, selon les plans de Mgr Faraud. Ne voyant ni chemin, ni vestige humain, nous essayons de remonter la rivière des Maisons ; mais nous la trouvons criblée de rapides. Nous mettons notre canot en cache ; et, prenant nos couvertures et nos provisions sur le dos, nous partons à travers bois… Nous marchons ainsi deux journées, sans rencontrer âme qui vive, si ce n’est une ourse menaçante, avec ses oursons. Là, un brûlé immense commençait. Ses arbres calcinés et entassés pêle-mêle semblaient nous défier. Louis et moi laissons le Père Eynard près de nos paquetons ; et nous nous engageons à la découverte dans le brûlé. Mais rien, sinon le grand silence du bois désert. Je craignis alors que Mgr Faraud n’eût suivi une direction différente. Nous étions à bout de provisions, et aller plus loin c’était nous exposer à nous égarer et à mourir de faim. Je décidai de retourner au canot et de redescendre au lac Athabaska. Nous avions fait quelques pas, quand un coup de fusil retentit au loin. Nous allâmes sur le bruit. C’était des métis qui apportaient des vivres aux travailleurs, sans savoir au juste où étaient ceux-ci. Nous joignant à eux, nous marchâmes encore une grosse journée. Le 5 juin, à 9 heures du soir, nous arrivions enfin à Mgr Faraud, aux Pères Collignon et Ladet et au Frère Alexis, qui frappaient tous à coups de hache dans les liards. Je vous assure que je ne ressemblais guère alors à un Père du Concile. Pour être plus allège, j’avais laissé ma soutane ; et ces trois jours dans le bois m’avaient mis en haillons. Quelqu’un qui m’eût rencontré ne m’eût certes pas pris pour un Prince de l’Église. D’après mon rapport et celui de mes compagnons, sur les bois forts et les maskegs que nous avions traversés, Mgr Faraud se rendit, quoique bien malgré lui, à la conclusion que le chemin était, pour le moment, impraticable. Rendant à la sauvagerie le fruit si coûteux de tant de travail, nous retournâmes ensemble au lac la Biche…


L’année suivante, 1872, Mgr Clut recevait de M. Mercier, Canadien Français, et chef du fort Youkon, l’un des postes commerciaux d’une compagnie de San-Francisco, opérant sur tout le versant du fleuve Youkon, l’imitation pressante de se rendre là-bas, pour convertir les sauvages.

Mgr Clut, ne pouvant communiquer avec Mgr Faraud,