Aller au contenu

Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
LES MONTAGNAIS

été vaines. Le Père Clut, redevenu solitaire à la Nativité, n’espérait pour longtemps de visite fraternelle. Le Père Grouard, cependant, ayant eu l’occasion de venir de la Proidence au Grand Lac des Esclaves, continua jusqu’au lac Athabaska. Il entra, accoutré comme un Montagnais, couvert de frimas, et tenant ses raquettes sous le bras. Il soutint la conversation, prenant si bien le style des Montagnais et faisant si pareillement claquer les gutturales et siffler les dentales, que le Père Clut crut avoir affaire à un authentique sauvage. La mystification finit par l’explosion plus forte de l’affection. Laissant tomber son capuchon de caribou, le visiteur se jeta au cou de son Père maître qu’il n’avait plus revu depuis le noviciat, et lui procura ainsi l’une des joies inoubliables de sa vie.

Sitôt l’année de noviciat terminée, le Père Grouard fut appelé de la Nativité à la Providence, où il arriva le 18 août 1803.

Le 21 novembre, il fit sa profession perpétuelle, devant Mgr Grandin.

Cinquante ans après, Oblat jubilaire, il écrivait à son supérieur général :


Le bon Dieu et la Sainte Vierge m’ont fait une très grande grâce, dont Mgr Grandin a été l’instrument, en me faisant entrer dans la Congrégation des Oblats de Marie Immaculée.


Comme il se trouvait en ce moment à Saint-Albert, il ajoutait :


Je suis allé au tombeau de Mgr Grandin. Je l’ai prié, lui disant : « Votre corps est ici ; votre âme est au ciel. Il y a cinquante ans, vous avez reçu mes vœux de religieux oblat, veuillez en recevoir aujourd’hui la rénovation, que je prononce à vos pieds. » Cela m’a fait du bien.


Entre son arrivée au fort Providence et son oblation, le Père Grouard avait fait sa première tournée apostolique au fort Simpson sur le fleuve Mackenzie et au fort des Liards sur la rivière du même nom, affluent du Mackenzie. Nous le retrouverons plus tard en ces parages.

Disons tout de suite que les années qu’il appelle « les meilleures de sa vie » furent dépensées à l’évangélisation de la grande tribu des Esclaves, soit au fort Providence,