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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/27

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AU GLACES POLAIRES

Comme ce chapitre préliminaire doit nettement définir l’attitude de la Compagnie de la Baie d’Hudson envers nos missionnaires, il importe de faire le départ entre la haute administration, composée des directeurs de Londres et du gouverneur les représentant au Canada, et les administrations locales.

La haute administration se montra toujours déférente, et parfois obligeante. Elle comprit que son intérêt lui défendait de mécontenter les coureurs-des-bois canadiens, ses serviteurs indispensables, en maltraitant les prêtres, qu’ils vénéraient. Elle savait aussi que le prêtre ne prêcherait aux Indiens que le respect envers l’autorité et le travail consciencieux. C’est ainsi qu’un acte du gouverneur Simpson, en 1858, sauva probablement du protestantisme tout le district du Mackenzie. L’archidiacre anglican Hunter avait pris place dans les barques qui ravitaillaient cette région jusqu’à l’océan. Il allait porter l’erreur aux sauvages du bas-Mackenzie, avides de religion. Le Père Grollier, résidant au Grand Lac des Esclaves, notre mission la plus septentrionale alors, voulut suivre le prédicant. Ce que voyant, le bourgeois du Mackenzie et tous ses commis signèrent une pétition demandant au gouverneur que l’accès du district

    la Compagnie de la Baie d’Hudson la mère unique du progrès dans le Nord-Ouest. La vérité est que, tout en s’avançant, à la faveur des coureurs-des-bois, dans les solitudes profondes, elle les fermait aussitôt le plus qu’il lui était possible au reste du monde. Elle choisissait systématiquement les détours compliqués et les plus aptes à dérouter toute tentative de reconnaissance. Ne montre-t-on pas telles rivières, telles fondrières, tels précipices, où elle jetait, chaque printemps, ses ponts de passage, pour les démolir aussitôt, de peur d’être suivie ! La loi non écrite du silence absolu pesait sur tous les employés. Loi toujours respectée. Lorsqu’ils paraissaient dans les milieux de race blanche, « ils évitaient les journaux comme la peste » ; et non seulement se gardaient-ils de révéler les mystères du Nord, mais ils « entretenaient soigneusement la légende des arpents de neige », et dépeignaient en couleurs effrayantes « ces pays à jamais inhabitables ».

    Si le Nord-Ouest porte aujourd’hui, sur ses champs fertilisés, d’opulentes colonies ; si les richesses des montagnes et des forêts se dévoilent ; si les pêcheries des Grands Lacs sont exploitées, c’est aux missionnaires qu’on le doit. Ils ont révélé l’ouest et le nord du Canada au Canada lui-même, qui les ignora jusqu’en 1867. Les premiers défricheurs, les pionniers véritables, furent Mgr Provencher, Mgr Taché, Mgr Grandin, Mgr Faraud, Mgr Clut, Mgr Grouard, M. Thibault, M. Bourassa, les Pères Végreville, Tissot, Maisonneuve, Leduc, Husson, Mérer, Lacombe surtout, dont un orateur canadien qualifia si justement la carrière, en disant « qu’il avait ouvert des chemins pour aller plus loin, et élevé des autels pour monter plus haut ».